La CJIP de SOTEC pour des faits de corruption d’agents publics étrangers au Gabon

La CJIP société SOTEC pour des faits de corruption d'agents publics étrangers
La CJIP fait suite à un signalement Tracfin pour des faits survenus au Gabon dans les années 2000

Nous vous proposons d’accéder ici au texte intégral de la CJIP (Convention Judiciaire d’Intérêt Public) signée le 1er juillet 2024 entre le Procureur de la République Financier près le tribunal judiciaire de Paris et la société gabonaise SOTEC

Ce document est d’un format plutôt court par rapport à d’autres conventions republiées précédemment dans ces colonnes. Il met en évidence, suite aux investigations menées par l’OCLCIFF et sans entrer dans les détails, certains mécanismes de corruption et le rôle joué par les différents acteurs de l’affaire, dont l’entreprise SOTEC locale, dans l’attribution d’un marché public passé par le Ministère de la Défense gabonais pour l’achat d’uniformes destinés aux forces de sécurité.

Débouchant sur une amende proportionnée, cette CJIP particulièrement emblématique de l’extraterritorialité de la loi Sapin 2, laisse aussi envisager de possibles suites à venir pour un autre acteur du dossier ; la société française MARCK, spécialisée dans l’habillement et l’équipement de la personne pour les organisations, pourrait en effet faire l’objet d’une procédure à venir.

Convention judiciaire d’intérêt public

Entre

Le procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Paris

Et

La SOCIETE SOTEC

Assistée de Maître Emmanuel Daoud, Maître Clémentine Veltz et Maître Eric Moutet, avocats au barreau de Paris

Vu l’enquête préliminaire initiée par le parquet de Paris et l’information subséquente ;

Vu l’article 41-1-2 du code de procédure pénale ;

Vu les articles R.15-33-60-1 à R.15-33-60-10 du même code ;

Vu les décrets n°2017-660 du 27 avril 2017 et n°2021-1045 du 4 aout 2021 relatifs à la convention judiciaire d’intérêt public ;

I. SOTEC

a) La société SOTEC

La société SOTEC est une société de droit gabonais ayant pour activité la construction et les services, dits « Tous Corps d’Etat », exerçant sous la forme d’une SARL. Elle emploie en équivalent temps plein une quinzaine de salariés permanents, et des salariés en contrats à durée de chantier en fonction des commandes. Son bénéfice imposable pour l’exercice 2022 est de 405 349 270 francs CFA (environ 620 000 euros).

Elle a son siège social à Libreville, sis BP 10 531 (GABON).

b) La société COGEM

La société COGEM était une société de droit gabonais ayant pour activité la maintenance et le génie civil, exerçant sous la forme d’une SARL. Elle employait une dizaine de salariés permanents, et son siège social était situé à Libreville au Gabon, sis BP 10 351.

Le 8 janvier 2013, la société COGEM faisait l’objet d’une cessation d’activité.

La société COGEM bénéficiait de conventions de refacturation et de sous-traitance avec la société SOTEC dans le cadre de l’exécution des marchés publics qui leur étaient attribués, ces deux sociétés étant, comme d’autres, étroitement liées dans leur activité et dans leur direction.

II. EXPOSE DES FAITS

Le 9 juillet 2007, une enquête préliminaire était confiée par le parquet de Paris à la Brigade centrale de lutte contre la corruption des chefs de corruption d’agents publics étrangers, d’abus de biens sociaux, de blanchiment et recel des infractions, visant notamment une société de droit français, sous forme de SAS, spécialisée dans la conception et la fabrication d’uniformes militaires (ci-après la « société A »).

L’enquête faisait suite à un premier signalement TRACFIN en date du 7 juin 2007, consécutif à un virement d’un montant de 394 843 euros effectué par la « société A » au bénéfice d’une société de droit gabonais spécialisée dans le secteur du bâtiment, la société CONSORTIUM INTERNATIONAL DE TRAVAUX PUBLICS (ci-après « CITP »). La société CITP avait effectivement pour activité le bâtiment tout corps d’état, la rénovation, la réfection de routes, l’équipement en mobiliers de bureaux, les fournitures scolaires et la distribution de tous genres d’équipements.

Les informations communiquées par TRACFIN suggéraient que ce virement pouvait être d’éventuelles commissions liées à l’obtention en 2005 d’un marché public avec le ministère de la Défense gabonais pour la fourniture d’uniformes et d’équipement des forces de sécurité d’un montant de 7,5 millions d’euros.

Le 7 août 2015, une information judiciaire était ouverte des chefs de corruption d’agents publics étrangers, d’abus de biens sociaux, de blanchiment et recel des infractions.

Les investigations menées par l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) dans le cadre de l’enquête et de l’information judiciaire établissaient que la société A avait également procédé à plusieurs autres virements, réalisés au profit des sociétés SOTEC et COGEM.

Concernant le virement réalisé par la société A à la société CITP, la société CITP soutenait qu’il s’inscrivait dans le cadre d’un contrat de sous-traitance confié par la société A à la société CITP pour l’exécution du marché public de fourniture d’uniformes que la société A avait obtenu, ayant pour objet la réalisation de 1 700 tenues destinées à la police gabonaise. Elle précisait que cette prestation de sous-traitance était facturée 394 843 euros. Il ressort des éléments issus des investigations que cette prestation avait été refacturée 2 084 763,60 euros au ministère de la Défense.

S’agissant des sociétés SOTEC et COGEM, elles affirmaient s’être vu confier une mission de représentation locale de la société A, ces sociétés ayant pour mission de représenter localement les intérêts de la société A, et d’agir comme intermédiaire auprès des acteurs et des administrations locales. Elles jouaient ainsi un rôle de relais administratifs et opérationnels auprès des administrations gabonaises, et elles assuraient à ce titre un suivi auprès des différentes administrations gabonaises, effectuant notamment des formalités de dédouanement, des suivis administratifs. Les sociétés SOTEC et COGEM affirmaient mettre également à disposition des entrepôts de stockage et assurer des prestations de livraisons.

Les sociétés SOTEC et COGEM percevaient des honoraires en contrepartie de la facilitation des démarches administratives de la société A.

Entre 2004 et 2009, la société COGEM bénéficiait ainsi de six virements de 15 240 euros, soit un total de 91 440 euros.

Entre 2007 et 2008, la société SOTEC bénéficiait de deux virements de 15 240 euros et un virement de 150 000 euros, soit un total de 180 480 euros.

II ressortait des documents saisis ainsi que des auditions réalisées au cours des investigations que les diligences des sociétés SOTEC et COGEM s’inscrivaient dans un schéma de corruption d’agents publics étrangers au moyen de paiements de facilitation et de commissions indues.

L’enquête permettait d’identifier un agent public gabonais, B., conseiller chargé des affaires économiques et financières rattaché au cabinet du ministre de la Défense et détenteur du pouvoir d’engagement des dépenses, susceptible d’avoir bénéficié d’avantages indus tirés de l’activité d’intermédiaire des sociétés SOTEC et COGEM.

Les faits ci-dessus sont analysés par le Ministère public comme susceptibles de caractériser le délit de complicité de corruption active d’agents publics étrangers, faits prévus et réprimés par les articles 4353, 121-2, 121-6 et 121-7 du code pénal.

III. AMENDE D’INTERET PUBLIC

L’afficle 41-1-2 du code de procédure pénale dispose que l’amende d’intérêt public doit être fixée de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30% du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires connus à la date du constat de ces manquements.

Le montant du chiffre d’affaires de la société SOTEC était de 1 028 050 000 francs CFA au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2020, 1 906 354 900 francs CFA au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2021 et de 1 950 295 170 francs CFA au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2022, soit un chiffre d’affaires annuel moyen de 1 628 233 356,67 francs CFA, équivalent à 2 474 914 euros.

Le plafond théorique d’une éventuelle amende d’intérêt public serait donc de 488 470 007 francs CFA, soit 742 474,40 euros.

Les investigations ont permis d’évaluer les avantages tirés des manquements à 271 920 euros, composés des sommes versées aux sociétés SOTEC et COGEM dans le cadre de leur mission d’intermédiaire, que la société SOTEC accepte de se voir entièrement imputer, celle-ci reconnaissant avoir pu bénéficier des sommes perçues par la société COGEM pour ses missions d’intermédiaire par le biais des conventions de refacturation et de sous-traitance conclues entre les deux entités.

La part afflictive de l’amende tient compte notamment des facteurs majorants suivants :

  • L’implication d’un agent public ;
  • Le trouble grave à l’ordre public.

Elle retient au titre des facteurs minorants les circonstances suivantes :

  • L’unité et l’ancienneté de l’occurrence ;
  • La coopération active de la société SOTEC et de son dirigeant.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le montant de la part afflictive de l’amende s’élève à 244 728 euros.

Par conséquent, le montant total de l’amende d’intérêt public est fixé à la somme de 520 000 euros.

IV. MODALITES D’EXECUTION DE LA PRESENTE CONVENTION

Aux termes de la présente convention, la société SOTEC accepte de procéder au paiement de l’amende d’intérêt public fixée ci-dessus, soit la somme de 520 000 euros.

S’agissant des modalités de paiement, la société SOTEC est disposée à verser l’amende au comptable du Trésor public dans le délai de 10 jours à compter du jour où l’ordonnance de validation de la CJIP aurait acquis un caractère définitif, dans les conditions prévues à l’article R. 15-33-60-6 du code de procédure pénale.

L’exécution des obligations prévues dans la convention éteint l’action publique à l’égard de la société SOTEC.

Il est rappelé que, conformément aux dispositions de l’afficle 41-1-2 du code de procédure pénale, l’ordonnance de validation de la présente convention judiciaire d’intérêt public n’emporte pas déclaration de culpabilité et n’a ni la nature ni les effets d’un jugement de condamnation.

A Paris, le 1er juillet 2024

Sources :

A lire aussi sur le même thème :

Skan1 a été fondée sur une idée forte : démocratiser l’accès à l’évaluation des tiers en relation d’affaires, en particulier sur le sujet de l’intégrité et l’éthique.

Nous proposons aux PME et ETI comme aux Banques, Grands Groupes ou encore fonds d’investissement, de pouvoir commander rapidement et facilement une due diligence simple, renforcée ou approfondie sur un tiers de leur choix.

Nous vous conseillons aussi

Mots clés

Avertissement

Le contenu de cette publication n’est fourni qu’à titre de référence. Il est à jour à la date de publication. Ce contenu ne constitue pas un avis juridique et ne doit pas être considéré comme tel. Vous devriez toujours obtenir des conseils juridiques au sujet de votre situation particulière avant de prendre toute mesure fondée sur la présente publication.