La CJIP de l’affaire Set Environnement – EDF en version intégrale

CJIP Convention judiciaire d'interêt public SAS set environnement PNF N° 11245045572 AFA corruption
CJIP : cas SAS SET ENVIRONNEMENT et EDF

Nous partageons avec vous ici le texte intégral au format html de la CJIP (Convention Judiciaire d’Intérêt Public) signée en février 2018 entre le Procureur de la République Financier et la société de dépollution SET ENVIRONNEMENT pour clore une affaire de corruption intervenue de 2009 à 2012 au sein de la direction des achats d’EDF. C’est un document intéressant pour deux raisons principales selon nous : il décrit d’abord en détail la façon dont l’enquête a été menée étape après étape par l’instances en charge du dossier. Puis il précise aussi la méthode utilisée pour calculer le montant de l’amende infligée, en relation avec les faits identifiés et l’investissement de la société à coopérer avec les instances judiciaires.


Convention judiciaire d’intérêt public

entre

le PROCUREUR de la RÉPUBLIQUE

près le Tribunal de Grande Instance de Nanterre

et

la SAS SET ENVIRONNEMENT

ci-après SET ENVIRONNEMENT

Immatriculée au RCS d’Evry sous le numéro 338 594 250

représentée par la SAS GREEN ACQUISITION

elle-même représentée par Monsieur Eric VALLEE

  • Vu l’article 180-2 du Code de procédure pénale;
  • Vu le décret n°2017-660 du 27 avril 2017 relatif à la convention judiciaire d’intérêt public;
  • Vu le courrier du 15 mai 2017 de Maître Nicolas DEMARD, conseil de la société SET ENVIRONNEMENT, et le soit-transmis du procureur de la République du 15 novembre 2017, aux fins de mise en œuvre de la procédure prévue aux articles 41-1-2 et 180-2 du Code de procédure pénale;
  • Vu l’ordonnance du magistrat instructeur de transmission du dossier d’information judiciaire au procureur de la République du 16 novembre 2017 aux fins de mise en œuvre des dispositions précitées;

I. LA SOCIÉTÉ SET ENVIRONNEMENT

SET ENVIRONNEMENT est une société anonyme simplifiée dont le siège social est situé 2 rue des Frères Voisin à WISSOUS (91320).

Elle a pour activité principale la dépollution.

Elle opère sur les marchés privés et publics principalement en Ile-de-France.

Elle emploie 125 salariés.

Son chiffre d’affaires se présente comme suit sur les années 2009 à 2016 :

20099.483.528 euros
201011.539.151 euros
201114.158.537 euros
201214.101.006 euros
201317.631.467 euros
201419.236.265 euros
201520.572.870 euros
201617.855.378 euros

Son résultat net se présente comme suit sur les années 2009 à 2016 :

2009245.769 euros
2010764.005 euros
2011977.225 euros
20121.273.464 euros
20131.638.156 euros
20142.222.967 euros
20152.213.261 euros
20161.398.415 euros

Elle a fait l’objet d’une opération de cession le 23 janvier 2014. Elle est détenue, depuis cette date, par la SAS GREEN ACQUISITION, elle-même détenue par des fonds d’investissement.

II. EXPOSÉ DES FAITS

Le Ier juillet 2011 , le Directeur de la sécurité d’EDF a informé la Direction centrale de la police judiciaire d’un probable système de corruption au sein de la direction des achats.

Son service avait en effet été lui-même informé par le Directeur d’une société prestataire de services d’EDF qu’un salarié de la direction des achats demandait le versement de commissions en échange de l’attribution ou du maintien de certains marchés.

Dans le cadre d’une enquête préliminaire diligentée par le Parquet de Nanterre, des interceptions téléphoniques étaient autorisées à partir de novembre 2011.

Le 1er décembre 2011 , une information judiciaire contre X a été ouverte des chefs de corruption active et passive, abus de biens sociaux, atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics, entente illicite, faux et usage de faux, complicité et recel de ces délits.

Le 13 février 2012, le magistrat instructeur autorisait une opération d’infiltration, notamment à l’occasion d’une rencontre dans un restaurant entre l’acheteur suspect d’EDF, le directeur de la société prestataire à l’origine de la révélation des faits, et un agent infiltré devant apporter les liquidités demandées par l’acheteur.

Les investigations permettaient d’établir que de nombreux dirigeants de sociétés avaient versé des commissions indues à l’acheteur d’EDF pour l’obtention et le maintien de marchés d’entretien de diverses centrales thermiques.

Parmi ces nombreux dirigeants de sociétés, figurait le président de la société SET ENVIRONNEMENT alors en fonction.

Les commissions versées par lui avaient pris la forme de paiements directs et indirects en espèces à l’acheteur et de prise en charge de voyages, travaux et frais.

Elles s’élevaient à 136.621,28 euros sur une période allant de 2009 à 2012.

Le président, le secrétaire général et la directrice administratrice et financière, alors en fonction, étaient mis en examen, notamment pour corruption publique active et abus de biens sociaux, respectivement les 4 mars 2014, 13 mai 2015 et 3 juin 2015.

Le 17 juin 2015, SET ENVIRONNEMENT, en tant que personne morale, était à son tour mise en examen du chef de corruption publique active « pour avoir, entre 2009 et 2012, cédé aux sollicitations de Monsieur CM, chargé d’une mission de service public ».

En application de l’article 180-2 du code de procédure pénale, SET ENVIRONNEMENT déclare reconnaître ces faits et accepter la qualification pénale de corruption.

III. AMENDE D’INTÉRÊT PUBLIC

1. Aux termes de l’article 41-1-2 du code de procédure pénale, le montant de l’amende d’intérêt public est fixé de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel de la société calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date du constat des manquements.

Le chiffre d’affaires de SET ENVIRONNEMENT s’est élevé à 19.236.265 € en 2014, 20.572.870 € en 2015 et 17.855.378 € en 2016.

Le montant maximal de l’amende d’intérêt public encouru, sans préjudice des dommages et intérêts à verser à la victime, est donc de 5.766.451 €.

Par ailleurs, les peines encourues par les personnes morales sont notamment, pour ces faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi du 6 décembre 2013, une amende de 750.000 € et la peine complémentaire de confiscation, en valeur, du produit de la corruption, en l’espèce le chiffre d’affaires obtenu en contrepartie du versement des commissions indues.

2. Les investigations ont permis d’évaluer l’ensemble du chiffre d’affaires obtenu en contrepartie du versement des commissions indues à 5.000.000 €.

3. Le profit, calculé sur l’excédent brut d’exploitation, tiré de ces marchés, quand ils ont été obtenus en contrepartie du versement des commissions indues, est estimé dans le cadre de la présente convention à 680.000 €.

Ce montant correspond à celui qui sera mis à la charge de SET ENVIRONNEMENT au titre de la restitution des profits tirés des manquements constatés.

4. Au titre de l’ajout d’une pénalité complémentaire, sont pris en compte comme facteurs aggravants :

  • la durée des faits reprochés la société, à savoir 4 ans,
  • leur commission dans le cadre d’une relation contractuelle avec un opérateur chargé d’une mission de service public.

5. En revanche, sont pris en compte comme facteurs atténuants :

  • le départ du président impliqué dans les faits, à l’occasion d’une cession de ses parts,
  • le licenciement du secrétaire général et de la directrice administratrice et financière impliqués dans les faits,
  • consécutivement, la présence d’un nouvel actionnariat et d’une nouvelle direction non impliqués dans les faits commis.

Au final, il est justifié de fixer à la somme de 120.000 € le montant de la pénalité complémentaire, de telle sorte que le montant total de l’amende est égal à 800.000 €.

IV. PROGRAMME DE MISE EN CONFORMITÉ

Aux termes du même article 41-1-2, la convention judiciaire peut comporter l’engagement de se soumettre à un programme de mise en conformité destiné à s’assurer de l’existence et de la mise en œuvre de mesures et procédures, énumérées au II de l’article 131-39-2 du code pénal, nécessaires à la détection et la prévention de la corruption.

SET ENVIRONNEMENT s’engage, sur une durée de deux ans à se soumettre à ce programme, sous le contrôle de l’Agence française anti-corruption (AFA), qui portera sur les mesures et procédures précitées, et commencera à compter de la date à laquelle la présente convention sera devenue définitive en application du dixième alinéa de l’article 41-1-2 du code de procédure pénale.

Les frais occasionnés par le recours par l’AFA, s’il y a lieu, à des experts ou autorités qualifiées, seront supportés par SET ENVIRONNEMENT, dans un plafond fixé à 200.000 €.

V. RÉPARATION DU PRÉJUDICE DE LA VICTIME

EDF s’est constituée partie civile dans le cadre de l’information judiciaire. Au vu des éléments qu’elle a transmis pour établir la réalité et l’étendue de son préjudice, le montant des dommages et intérêts est fixé à 30.000 €.

Ce montant est mis à la charge de SET ENVIRONNEMENT dans la présente convention.

VI. MODALITÉ D’EXÉCUTION DE LA PRÉSENTE CONVENTION

SET ENVIRONNEMENT accepte de procéder au paiement de l’amende d’intérêt public fixée ci-dessus, soit un montant de 800 000 €, par remise de chèques certifiés dans les conditions prévues par l’article R.15-33-60-6 du code de procédure pénale.

Ce paiement aura lieu en quatre versements égaux de 200.000 euros, le premier dans les 7 jours à compter de la date à laquelle la présente convention sera devenue définitive en application du dixième alinéa de l’article 41-1-2 du code de procédure pénale, puis, au plus tard, le second trois mois après ce premier paiement, le troisième trois mois après ce second paiement et le dernier trois mois après ce troisième paiement.

SET ENVIRONNEMENT s’engage à verser les dommages et intérêts fixés ci-dessus à EDF, par chèque libellé à l’ordre de la CARPA, dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle la présente convention sera devenue définitive en application du dixième alinéa de l’article 41-1-2 du Code de procédure pénale.

A Nanterre, le 14 février 2018

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