La conformité anticorruption : un enjeu clé de la RSE pour les investisseurs

La conformité anticorruption, un enjeu RSE CSR ESG clé pour les investisseurs M&A

La lutte contre la corruption compte parmi les critères RSE , qui mesurent la durabilité et l’impact éthique d’un investissement. Afin d’éclaircir ce sujet en pleine évolution, nous résumons ici un article signé par Sharie A. Brown, partenaire du cabinet Troutman Pepper, qui explore les liens entre RSE et lutte contre la corruption.

En 2022, la conformité et le reporting en matière environnementale, sociale et de gouvernance (RSE) sont au cœur des préoccupations des entreprises. Avec un marché potentiel d’environ 53 000 milliards de dollars, les actifs RSE représenteront en 2025 un tiers des actifs sous gestion au niveau mondial.

Cette course à la RSE est largement portée par les investisseurs eux-mêmes. Par définition, une entreprise qui présente un bon rendement financier, mais qui risque à tout moment d’être frappée par un scandale lié à la corruption ou à des atteintes aux droits sociaux/environnementaux, est un mauvais investissement. Les entreprises ont donc tout intérêt à intégrer leur stratégie anticorruption dans le cadre élargi de la RSE. C’est-à-dire, à ne plus considérer la lutte anticorruption comme une simple obligation réglementaire, mais comme une condition sine qua non pour attirer des investisseurs.

La RSE, un enjeu essentiel pour les investisseurs responsables

Même s’il n’existe pas encore de norme unique pour le reporting RSE, le concept d’investissement responsable s’inscrit d’emblée dans un cadre mondial, depuis son introduction au travers des Principes pour l’investissement responsable (PRI) de l’ONU en 2006. En tant qu’investisseurs institutionnels, tous les signataires des PRI s’engagent à agir dans l’intérêt à long-terme de leurs bénéficiaires, en considérant que les questions RSE peuvent influer sur la performance des portefeuilles d’investissement.

En réaction, les grandes entreprises ont vite pris le tournant de la RSE en multipliant les initiatives de développement durable. Sur le plan environnemental, par exemple, elles s’engagent à atteindre des objectifs chiffrés : « zéro émission carbone d’ici 2040 » pour Amazon, « réduire le gaspillage alimentaire de 50% d’ici 2025 » pour Carrefour, «  100% d’emballages plastiques d’origine recyclée d’ici 2030 » pour L’Oréal

Si ces initiatives font l’objet d’une communication si massive qu’elle semble parfois virer au greenwashing, le sujet de la corruption, lui, est mis en avant sous une autre forme. Plutôt que des objectifs chiffrés, les entreprises revendiquent une politique de tolérance zéro et une exigence éthique croissante, en particulier envers leurs fournisseurs. Elles affirment leur adhésion au Pacte mondial de l’ONU, qui stipule d’agir contre la corruption sous toutes ses formes, et la formalisent au travers de codes de conduite, plans de vigilance et chartes d’engagement fournisseurs.

Ces documents peuvent ainsi être consultés par les investisseurs pour déterminer si une entreprise s’attaque réellement au risque de corruption sur sa chaîne de valeur. Bien sûr, les promesses ne reflètent pas systématiquement la réalité du terrain. Pour déterminer si l’entreprise prend le risque de corruption au sérieux, les investisseurs examineront aussi son passé, et se méfieront s’ils constatent un antécédent de corruption. Toutefois, un tel antécédent n’est pas forcément rédhibitoire : il peut justement avoir poussé l’entreprise à redoubler de vigilance et à mettre en place des garde-fous pour éviter qu’une inconduite ne se reproduise.

Nous listons ici certains points de vigilance qui font la différence entre de simples déclarations et une véritable conformité anticorruption, et qui sont donc particulièrement scrutés par les investisseurs RSE.

Les ingrédients d’une conformité attrayante pour les investisseurs RSE

Une évaluation des risques prioritaires

Même si toutes les violations doivent être évitées, certaines sont plus nuisibles que d’autres. Pour une entreprise qui délocalise certaines activités en Asie ou en Afrique, où la corruption et les atteintes aux droits humains sont plus répandus, le risque d’une inconduite sur sa chaîne de valeur est plus important que pour une entreprise « 100% made in France ». Mais si cette dernière postule régulièrement à des marchés publics, ou nécessite des permis gouvernementaux pour opérer, elle doit être vigilante au risque de corruption d’agent public – qui la rend particulièrement vulnérable aux sanctions extraterritoriales américaines (FCPA).

Il est donc stratégique de lister les activités susceptibles d’entraîner les violations les plus importantes en termes de responsabilité légale, mais aussi de dommages financiers, commerciaux et réputationnels. L’évaluation des risques doit ainsi inclure 1) un classement des activités selon leur risque d’infraction dans un pays ou un secteur particulier, et 2) un classement spécifique à l’entreprise, pour déterminer s’il existe un risque élevé, moyen ou faible qu’une violation se produise à cause de la nature de ses opérations, de son modèle commercial ou de son marché.

Des procédures anticorruption sur mesure

Une fois que les risques prioritaires ont été identifiés, les entreprises doivent impérativement y adapter leurs procédures. La nature de leurs produits et services, leur business model, leurs activités à l’étranger, leurs interactions avec des agents tiers et des fonctionnaires… Beaucoup d’entreprises négligent leurs propres spécificités lorsqu’elles définissent leur politique anticorruption. Lorsqu’elles mettent en place des procédures « à l’emporte-pièce », qui ne prennent pas en compte leurs véritables risques, elles décuplent la probabilité qu’une infraction se produise dans leur chaîne de valeur et nuisent à leur attractivité RSE.

Une équipe dirigeante engagée

Lorsqu’une entreprise présente un profil anticorruption risqué, un investisseur responsable souhaite obtenir une assurance tangible de l’engagement anticorruption de la direction générale et du conseil d’administration. Ces derniers doivent faire preuve d’un engagement qui va au-delà des procédures : ils doivent être des modèles réels d’intégrité dans les affaires, afin d’imprégner l’entreprise des valeurs qui soutiennent la conformité anticorruption. Il est utile (mais pas suffisant) qu’ils publient une lettre annuelle prônant cet engagement, ou même qu’ils participent eux-mêmes aux formations anticorruption.

Une formation anticorruption personnalisée

Certaines entreprises fournissent parfois déjà une formation obligatoire sur les risques de corruption. Mais pour des raisons de coût et de commodité, cette formation est souvent trop générique et sans rapport avec les risques réels auxquels l’entreprise est réellement confrontée. Pourtant, le coût d’une formation personnalisée est dérisoire si on le compare aux frais juridiques exorbitants liés à des poursuites pour corruption. La formation devrait être adaptée au profil de risque de l’entreprise. Une formation personnalisée est non seulement plus efficace, mais elle est rassurante : un investisseur RSE hésitera à investir si une entreprise n’a peu ou pas de formations anticorruption dédiées dans un environnement opérationnel à risque.

Réglementer les cadeaux et les invitations

Très fréquents dans certains secteurs, les invitations et cadeaux d’affaires ne constituent pas toujours les violations anticorruption les plus flagrantes. Mais lorsqu’on les additionne, de petites dépenses incontrôlées peuvent devenir importantes, ce qui confère à l’entreprise un profil RSE beaucoup plus problématique pour les investisseurs responsables. Il est donc essentiel de définir une politique claire pour que les employés sachent comment réagir, par exemple lorsqu’un tiers leur offre un cadeau ou les invite à un voyage d’affaires. Cela revient à prendre en compte les comportements habituels dans leur secteur d’activité, et dans les pays où ils opèrent, car la culture des cadeaux d’entreprise varie fortement d’un pays à l’autre. Cette approche est bien plus efficace que les politiques purement prohibitives qui ne traitent pas des comportements à risque que les agents rencontrent réellement sur le terrain.

Ne pas négliger les due diligence sur les tiers et en M&A

Les partenaires commerciaux tiers, tels que les consultants et les agents, peuvent causer des problèmes encore plus importants. Lorsqu’un tiers approuve des paiements pour une entreprise afin de lui obtenir des affaires ou des avantages quelconques, l’entreprise en porte la responsabilité. De même, si les due diligence sur une société ciblée par une opération de M&A sont insuffisantes, l’entreprise peut se retrouver à répondre d’inconduites commises par la cible dans le passé. Négliger ces évaluations d’intégrité peut gravement affecter la performance RSE, car cette méconnaissance des tiers accroît considérablement les risques de dommages financiers, commerciaux et médiatiques.

Maîtriser sa conformité et celle de ses tiers

Surveillance et audit

Réduire les risques d’inconduites passe aussi par un contrôle actif de la relation de ses employés et tiers à la conformité. Un audit indépendant périodique, basé sur le risque, de la conformité de l’entreprise à la législation anticorruption, ainsi que l’audit du dispositif de conformité des tiers, contribuent à réduire la responsabilité et le risque de sanction pour une société confrontée à des soupçons d’inconduite. Ces audits permettent de faire remonter d’éventuelles défaillances avant que ces dernières ne soient sources d’infraction, et de s’assurer que ses partenaires commerciaux respectent leurs engagements.

Signalements confidentiels, enquêtes sur les « drapeaux rouges » et mesures correctives

Enfin, l’entreprise a tout intérêt à contrôler régulièrement l’efficacité de ses propres mesures. Les chartes, codes de conduite et due diligence d’intégrité n’ont aucun sens si l’entreprise ne réagit pas (ou mal) lorsqu’elle reçoit des signalements d’inconduite. De même, sa réaction à des violations avérées sera dans le viseur des investisseurs responsables, car sa capacité à punir les auteurs d’infractions – un facteur de dissuasion indispensable – en dit long sur son engagement réel contre la corruption. L’idéal est d’adopter une approche dynamique de la conformité, pour bénéficier d’un dispositif anticorruption en amélioration constante, capable de combler toutes les lacunes de conformité qui pourraient se manifester.

Avec la RSE, la conformité anticorruption devient un véritable intérêt commercial

En conclusion, pour les entreprises, l’atout commercial d’attirer les investisseurs RSE devient aussi puissant que celui de la dissuasion face aux impacts coûteux et commercialement dommageables de poursuites pour corruption. Vues sous l’angle de la RSE, les ressources mises à disposition par les régulateurs anticorruption mondiaux, comme les guides de l’Agence Française Anticorruption, le Guide de ressource FCPA ou le Guide pratique du UK Bribery Act, sont autant d’outils pertinents pour améliorer le profil RSE de l’entreprise, et donc attirer des investisseurs.

Formations ad-hoc, reportings réguliers, audits transparent : tout est bon pour montrer patte blanche aux investisseurs inquiets de la pérennité de leurs placements. Le succès de la norme ISO 37001, qui certifie les « systèmes de management anticorruption », montre elle aussi que les entreprises sont prêtes à aller plus loin que les exigences légales pour rassurer les investisseurs RSE sur la portée de leur engagement contre la corruption.

Sources

JD Supra : ESG and Bribery, by Sharie A. Brown

Pour aller plus loin

UNPRI : Principes pour l’Investissement Responsable de l’ONU

Harvard Business Review : The CEO of Siemens on using a scandal to drive change

Raconteur.net : Why ESG always starts with the CEO

Outlook : Extraterritorialité : année record du FCPA, enjeu prioritaire pour les autres acteurs

Skan 1 Outlook : Responsabilité pénale des sociétés absorbantes : une véritable révolution

Justice.gov : Guide de ressource FCPA

Justice.gov.uk : Guide du UKBA Skan 1 Outlook : Norme ISO 37001 : nouvelle frontière anticor depuis 2016

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