En route vers une loi « Sapin 3 » ? Retour sur le projet déposé par le député Raphaël Gauvain pour renforcer la lutte anticorruption

projet de loi anticorruption déposé par le député Raphaël Gauvain pour renforcer la lutte anticorruption
Le projet déposé par R. Gauvain à l’Assemblée Nationale évoque les prémices d’une loi « Sapin 3 »

Le 19 octobre 2021, une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la corruption a été déposée par le député Raphaël Gauvain. Cinq ans après l’entre en vigueur de la loi Sapin 2, ce texte a l’ambition de donner un nouveau souffle à la lutte anticorruption en France.

Le texte est largement inspiré du rapport de la mission d’évaluation de la loi Sapin 2, dans lequel les députés Raphaël Gauvain et Olivier Marleix ont formulé des propositions afin de lutter plus efficacement contre la corruption. Tout en saluant les avancées permises par la loi Sapin 2, les députés y signalent un certain retard de la France, qui occupe seulement la 23ème place du classement Transparency International des pays les moins corrompus.

La proposition s’articule autour de trois grands axes : la lutte contre la corruption et les autres atteintes à la probité, la justice négociée, et le registre des représentants d’intérêts. Nous nous concentrons ici principalement sur les dispositions relatives au secteur privé.

Une nouvelle répartition des rôles entre l’AFA et la HATVP

Dans le débat sur l’amélioration de la lutte anticorruption en France, la réforme potentielle de l’AFA (Agence Française Anticorruption) fait partie des sujets les plus polémiques. Selon Raphaël Gauvain, il est essentiel de recentrer l’AFA sur sa mission de coordination et de combler le retard des acteurs publics en matière d’anticorruption.

Son projet de loi propose un partage des missions plus tranché, en transférant une partie des missions de l’AFA à la HATVP (Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique). Créée en 2013 suite à l’affaire Cahuzac, cette autorité est actuellement chargée du contrôle du répertoire des « représentants d’intérêts », qui comprend les lobbys et tout personne physique ou morale susceptible d’influencer des représentants du secteur public.

L’objectif est de faire de l’HATVP « une grande autorité administrative indépendante compétente en matière de probité ». De nouveaux pouvoirs de contrôle et de sanction lui seraient conférés pour le secteur public et les représentants d’intérêts ; le texte prévoit de doter l’HATVP d’une commission des sanctions similaire à celle de l’AFA. En revanche, le conseil et le contrôle du secteur privé resteraient du ressort de l’AFA.

L’élargissement du champ des entreprises assujetties à la loi

Actuellement, seules les entreprises immatriculées en France sont soumises aux obligations Sapin 2. Ce nouveau texte propose d’élargir le champ, en incluant les entreprises dont le siège social n’est pas en France.

En conséquence, les filiales de groupes étrangers actives en France pourraient être forcées à appliquer les mêmes règles de conformité que les entreprises françaises.

La procédure de sanction précisée

Le nouveau texte propose d’encadrer davantage le fonctionnement des sanctions, selon la procédure suivante : si l’AFA constate des manquements, elle fixe un délai compris entre six mois et deux ans pour que l’entreprise mette en place ces mesures de conformité. Si l’entité n’adopte pas les mesures dans le délai imparti, alors l’AFA saisit la commission des sanctions – sauf en cas de manquement grave ou si l’entreprise n’a pas coopéré lors du contrôle, auquel cas l’AFA peut saisir la commission des sanctions sans mise en demeure préalable.

Un alinéa est également ajouté, spécifiant que les débats devant la commission des sanctions ne seraient pas publics, mais que la commission pourrait décider de les rendre publics « par décision motivée ». Les critères d’une telle décision ne sont cependant pas précisés.

Les modalités de CJIP assouplies pour encourager les entreprises à s’autodénoncer

Afin d’encourager la révélation spontanée de faits de corruption, le texte propose certains amendements pour améliorer la procédure de négociation d’une CJIP (Convention Judiciaire d’Intérêt Public). Les modalités seraient les suivantes : dès lors que le procureur de la République envisage de proposer une CJIP, il doit en aviser l’entreprise concernée. À partir de ce moment, et jusqu’à la concrétisation éventuelle de la proposition de conclure une CJIP, l’entreprise peut avoir accès au dossier de la procédure afin de formuler ses observations.

Si la proposition de CJIP se confirme, le procureur peut désigner (avec l’accord de l’entreprise) un mandataire chargé de représenter l’entité dans les négociations. L’objectif est d’éviter les conflits d’intérêts pouvant surgir lorsque les dirigeants sont impliqués dans les faits de corruption, mais aussi de permettre au dirigeant de se concentrer sur sa propre défense.

De nouvelles dispositions sont ajoutées pour mieux protéger la confidentialité des documents et informations transmis par l’entreprise au cours de la négociation. Cette protection s’applique à de nouveaux cas de figure, par exemple si  l’entreprise renonce à conclure une CJIP au cours de la période de négociation, ou si elle refuse la proposition du procureur.

Le texte étend aussi à 5 ans le délai imposé à l’entreprise pour mettre en place les mesures de conformité définie par la CJIP – ce délai est actuellement fixé à 3 ans.

Enfin, le délit de favoritisme serait désormais inclus dans le champ des infractions pouvant aboutir à la conclusion d’une CJIP.

Enquête interne : de nouveaux droits pour les personnes ciblées

Le texte propose des amendements au code de procédure pénale afin de renforcer les droits des personnes physiques ciblées par une enquête interne au sein de leur entreprise. Si le texte était adopté, la personne mise en cause devrait être systématiquement notifiée de sa convocation « dans un délai raisonnable » avant d’être entendue, ainsi que de la durée maximale de son audition. La personne auditionnée aurait désormais la possibilité de relire son procès-verbal et d’y formuler des observations écrites.

Au cours de l’enquête, la personne pourrait demander à consulter son dossier, et elle devrait être notifiée en cas de clôture de l’enquête.

Enfin, la responsabilité pénale de l’entreprise serait davantage engagée « lorsque le défaut de surveillance de leur part a conduit à la commission d’une ou plusieurs infractions par l’un de leurs salariés ».

Par les nouveaux amendements qu’elle envisage relativement aux situations des personnes morales et physiques, cette proposition de loi est donc très complémentaire de celle déposée par le député Sylvain Waserman sur la protection des lanceurs d’alertes. Il est donc possible que les deux textes soient étudiés conjointement. Si tel est le cas, leur examen pourrait avoir lieu rapidement, puisque la France est tenue de transposer la directive européenne du 23 octobre 2019 sur la protection des lanceurs d’alertes avant la fin de l’année 2021.

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