Travail forcé : aux USA, les entreprises devront prouver l’origine des produits importés

Travail forcé : les entreprises devront prouver l’origine de leurs produits à destination du marché US
Loi UFLPA : les Etats-Unis passent à l’action dans la lutte contre le travail forcé au Xinjiang

Après son vote en décembre 2021, une nouvelle loi vient d’être promulguée aux États-Unis afin de restreindre les importations en provenance du Xinjiang, la province chinoise où des centaines de milliers de Ouïghours sont détenus dans des camps de travail forcé.

Ces nouvelles restrictions font peser des risques commerciaux majeurs sur les entreprises ayant recours à des fournisseurs du Xinjiang… Mais aussi, plus généralement, sur celles qui ne connaissent pas bien leurs sous-traitants.

Les produits présumés issus du travail forcé seront retenus à la frontière

Cette loi (le « Uyghur Forced Labor Prevention Act » ou « UFLPA ») est entrée en vigueur le 21 juin 2022. Elle vise à interdire l’entrée aux États-Unis à tout produit issu – même partiellement – du Xinjiang.

Avec 20% du coton mondial issu du Xinjiang, l’industrie textile est la première concernée ; depuis plusieurs années, des grands noms du textile sont accusés par des ONG de profiter du travail forcé dans la région.

Mais la portée de nouvelle réglementation ne s’arrête pas à l’industrie textile : elle cible tous les produits ayant un lien avec un camp de travail ou un programme de « réduction de la pauvreté » jugé coercitif par les autorités américaines – et ce, même si le produit fini ne comporte qu’une infime part de matériaux issus du Xinjiang ou manufacturés dans la région.  Les secteurs de l’électronique, l’automobile, l’énergie solaire ou l’agroalimentaire, très dépendants du Xinjiang, seront donc particulièrement concernés.

Les États-Unis avaient déjà augmenté leur contrôle des importations soupçonnées d’être liées au travail forcé : au dernier trimestre 2021, plus de 900 cargaisons issues du Xinjiang ont été saisies par la douane. Mais cette loi renforce considérablement la pression pour prouver que les produits importés ne viennent pas du travail forcé. Il incombera en effet à l’importateur d’en fournir la preuve, en retraçant chaque étape de la fabrication du produit, sous peine de voir ses marchandises bloquées à la douane ou renvoyées à l’expéditeur.

Le Ministère de l’Intérieur américain a d’ailleurs rédigé une liste de fournisseurs locaux à risque et de produits qui devraient être d’office interdits d’entrée aux États-Unis, jusqu’à ce qu’une preuve suffisamment « claire et convaincante » ait été apportée par l’entreprise.

L’Europe emboîte le pas des États-Unis

Le 9 juin, le Parlement européen a lui aussi adopté une résolution encourageant la Commission européenne à interdire les importations de produits fabriqués dans les camps de travail ouïghours, et plus généralement tous les produits issus du travail forcé. À l’instar du texte américain, cette résolution enjoint à créer un dispositif commercial pour filtrer les importations dans l’Union européenne.

Les modalités du contrôle des produits entrant sur le territoire européen devraient être définies d’ici à septembre. Si les préconisations de la résolution sont entendues, il est fort à parier que le système ressemble à son homologue américain, donnant la charge de la preuve à l’importateur.

En France, plusieurs entreprises textiles sont déjà ciblées par une enquête du Parquet National Antiterroriste, dont des grands noms comme Zara, Sandro ou Uniqlo. En 2021, une plainte avait été déposée à leur encontre, pour recel de crimes contre l’humanité, par les associations Sherpa, Collectif Ethique sur l’étiquette et l’Institut ouïghour d’Europe.

La traçabilité de la supply chain : une question de survie commerciale

Selon Evan Smith, directeur de l’entreprise spécialisée dans les technologies de chaînes d’approvisionnement Altana AI, environ un million d’entreprises devraient être affectées par cette loi – soit environ 10% des entreprises mondiales de fabrication, de vente ou d’achat de biens physiques.

Il faut donc s’attendre à des disruptions importantes sur les supply chain mondiales, et ce dans un contexte de bouleversements logistiques post Covid-19. Seulement, dans le labyrinthe des chaînes d’approvisionnement modernes, il est souvent difficile – voire quasi-impossible – de connaître l’ensemble des acteurs participant à la fabrication d’un produit.

À l’heure actuelle, cette méconnaissance fait déjà peser des risques importants sur les entreprises. Prévenir et détecter la corruption, obtenir la confiance des investisseurs et partenaires commerciaux, éviter des scandales réputationnels… À ces enjeux majeurs s’ajoute désormais la menace d’une atteinte directe aux importations, si l’entreprise n’est pas en mesure de prouver l’origine de ses produits.

On peut ainsi s’attendre à des ruptures commerciales en série entre des entreprises et leurs sous-traitants chinois. Ce phénomène a vu le jour dès les premières accusations à l’encontre de grandes entreprises. Dès 2020, H&M annonçait avoir coupé ses relations avec un producteur de fil chinois après des accusations de recours au travail forcé des Ouïghours.

La perspective de la future loi américaine a accéléré cette tendance. Plusieurs entreprises ont annoncé une rupture de leur approvisionnement au Xinjiang afin de trouver des circuits alternatifs, en vue de maintenir leur accès au marché américain : le géant Apple, le producteur japonais de ketchup Kagome, des producteurs de panneaux solaires comme l’Américain NextEra Energy ou même le Chinois JinkoSolar, les marques textiles Patagonia et Hugo Boss..

Toutes les entreprises exportant vers les États-Unis risquent un jour ou l’autre d’être soupçonnées, et de devoir rendre compte de la fabrication de leurs produits. Indépendamment du secteur, elles doivent être conscientes de ces exigences accrues en matière de due diligence. Plus que jamais, il est donc vital de disposer d’une bonne traçabilité sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement : ce sera bientôt le seul recours pour sécuriser un accès au marché américain… Et bientôt, peut-être, au marché européen.

Sources

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