Travail forcé : comment les états et les entreprises peuvent lutter contre l’opacité de la supply chain

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Travail forcé des Ouïghours en Chine : l’opacité de la Supply Chain

Depuis 2019, les révélations sur le travail forcé de centaines de milliers de personnes font la une de la presse. Dans la province chinoise du Xinjiang, qui fournit environ 20% du coton mondial, pas moins de 570 000 membres de l’ethnie musulmane ouïghoure auraient été enrôlés dans des camps de travail forcé.  

Avec un vêtement sur cinq vendu à travers le monde qui contient du coton issu du Xinjiang, c’est l’intégralité du secteur textile qui se retrouve aujourd’hui sur la sellette. Et l’industrie textile n’est pas la seule, puisque des Ouïghours détenus dans le Xinjiang auraient également été déplacés dans toute la Chine pour travailler sur les chaînes de production des géants de la téléphonie, de l’électronique et de l’automobile.

Les multinationales peinent à montrer patte blanche

Apple, Samsung, Gap, Nike, Zara, H&M, Volkswagen, BMW… D’après l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI), pas moins de 83 grandes entreprises sont accusées de travailler avec des sous-traitants qui ont parfois recours au travail forcé des Ouïghours.

Face au scandale, certaines marques comme Adidas, Marks & Spencer ou H&M se sont engagées à ne plus utiliser de coton issu du Xinjiang, par exemple en signant un appel à l’action. Mais les chaînes d’approvisionnement sont désormais si complexes que les entreprises ne savent plus nécessairement qui sont leurs fournisseurs. Face à la multiplication des sous-traitants, déterminer l’origine des produits est devenu une gageure.

Ainsi, certaines marques admettent que la complexité des chaînes d’approvisionnement les empêche de garantir que leurs produits ne proviennent pas du travail forcé. Le PDG de Lacoste, Thierry Guibert, affirme que la traçabilité de la production est « une lourde tâche qui se heurte parfois aux difficultés d’obtenir des informations fiables sur le terrain ». H&M a même reconnu qu’il « n’y a aujourd’hui aucune solution disponible pour tracer intégralement l’origine du coton ». Pourtant, une enquête a permis au groupe de remonter sa chaîne d’approvisionnement jusqu’à un fournisseur soupçonné de lien avec le Xinjiang – et de rompre les liens avec lui.

Grandes puissances : des actions en ordre dispersé et une pression gouvernementale variable selon les pays

En décembre, les Etats-Unis ont annoncé leur décision de mettre fin à toute les importations de produits contenant des fibres de coton en provenance du Xinjiang, issues selon eux du travail forcé. Toute marchandise soupçonnée d’être le fruit de ces pratiques sera retenue par le Département américain des douanes (CBP), qui indique que les importateurs d’envois retenus n’auront alors d’autre choix que le retour à l’envoyeur sauf à démontrer que la marchandise n’a pas été produite par le travail forcé.

Plus tôt en 2020, le gouvernement américain avait publié un avis pour mettre en garde les entreprises sur les risques du travail forcé dans cette région. Face aux violations de droits humains au Xinjiang, cet avis met l’accent sur la due diligence pour mesurer les risques réputationnels, financiers et juridiques de leur chaîne d’approvisionnement. Même s’il est difficile d’accéder à cette région pour y réaliser un audit, les entreprises sont fortement encouragées à contrôler la réputation des tiers chinois susceptibles d’employer de la main d’œuvre issue du Xinjiang.

Le Royaume-Uni et le Canada ont également annoncé des mesures restrictives, mais moins radicales. Comme les États-Unis, les deux pays ont publié des déclarations exhortant les entreprises à pratiquer la due diligence sur leur chaîne d’approvisionnement. Au Royaume-Uni, des contrôles à l’exportation sont prévus pour empêcher la vente de produits qui contribuent à des violations des droits de l’homme, comme des technologies de pointe utilisées pour la surveillance, ainsi que l’introduction de « sanctions financières pour les organisations qui ne remplissent pas leurs obligations statutaires de publier des déclarations annuelles sur l’esclavage moderne. » Le Canada, quant à lui, prévoit des mesures analogues, ainsi qu’une « déclaration d’intégrité » relative au Xinjiang pour les entreprises canadiennes.

De telles mesures sont aussi envisagées par l’Australie, dont la ministre des Affaires étrangères a exhorté les entreprises à faire leur due diligence pour déterminer si le travail forcé est utilisé dans leur chaine d’approvisionnement.

Enfin l’Union européenne, qui travaille depuis sept ans sur un accord d’investissement avec la Chine, s’est voulue implacable au cours de ses négociations, conditionnant sa signature à la fin du travail forcé en Chine. L’engagement de la Chine à signer les conventions de l’OIT interdisant le travail forcé, salué par les autorités françaises, est-il réellement de nature à changer la situation des Ouïghours ? On peut en douter. Mais au-delà de ces négociations à l’échelle européenne, la France ne semble pas prévoir de législation relative à la question ouïghoure. Interpelé sur la question en octobre 2020, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves le Drian a pour sa part appelé les entreprises à être vigilantes, et à respecter la loi de 2017 sur le devoir de vigilance des sociétés.

Maîtriser la chaîne d’approvisionnement : un enjeu croissant qui passe par la due diligence

Selon une étude de 2018 de l’Aspics (une association spécialisée dans la recherche et les certifications sur la supply chain), 70% des organisations affirment disposer d’une procédure pour connaître l’origine de leurs produits… Mais seulement 43% estiment connaître les pratiques opérationnelles de leurs sous-traitants. Et pour cause : moins de la moitié des chaînes d’approvisionnement sont intégrées dans un dispositif de contrôle de conformité des fournisseurs. En matière de due diligence, l’engagement est donc encore trop insuffisant pour maîtriser les risques liés à l’opacité de la supply chain.

Cependant, les entreprises semblent de moins en moins réticentes, et presque prêtes désormais à s’engager dans le renforcement des diligences. D’abord, les grandes multinationales ne peuvent plus ignorer les scandales qui entachent leur réputation, à l’heure où l’opinion publique y est de mieux en mieux sensibilisée. Par exemple, 90% des moins de 35 ans sont prêts à changer de marque pour des raisons éthiques. En parallèle, la pandémie Covid-19 a révélé une lacune majeure pour de nombreuses entreprises : la nécessité de mieux maîtriser l’évaluation des fournisseurs sur l’ensemble de la supply chain. Seulement 36% des entreprises sondées par le Business Continuity Institute connaissent en effet leurs fournisseurs de rang 2 (les fournisseurs de leur fournisseurs). Désormais, la majorité annonce vouloir diversifier ses fournisseurs, souvent pour moins dépendre de l’Asie, et améliorer leur connaissance des circuits d’approvisionnement.

Sources

Pour aller plus loin

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