Rapport annuel de l’AFA : bilan 2020 et lancement du 1er plan pluriannuel de lutte contre la corruption

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Bilan annuel de l’AFA : outre l’action domestique, la coopération anticorruption internationale doit être renforcée

Sur le plan de la lutte anticorruption, l’année 2020 restera elle aussi marquée par la crise sanitaire qui a bouleversé l’activité économique mondiale. Malgré cela, l’AFA (Agence Française Anticorruption) a poursuivi ses missions de diagnostic et d’accompagnement sans discontinuer. Dans son rapport d’activité 2020 publié le 31 mars, l’agence détaille et commente son action dans le contexte du lancement du premier plan pluriannuel de lutte contre la corruption.

Il convient d’y distinguer les actions de l’AFA sur trois niveaux : à l’échelle des organisations, à l’échelle nationale et à l’échelle internationale.

Diagnostics et recommandations aux acteurs économiques

Ce plan national de lutte contre « la corruption, le trafic d’influence, la concussion, la prise illégale d’intérêt, le détournement de fonds publics et le favoritisme » a été lancé le 9 janvier 2020. Adressé au secteur public et aux entreprises, il ambitionne de faire de l’anticorruption un levier de performance économique.

Le plan s’articule donc autour d’axes prioritaires qui sont entre autres l’utilisation des données pour mieux détecter la corruption, la formation et la sensibilisation des agents publics, le soutien aux entreprises dans leur prise en main opérationnelle du sujet, la sanction des infractions et le renforcement de l’action internationale française. Dans ce contexte, l’AFA a par exemple actualisé ses recommandations aux acteurs économiques pour optimiser leur efficacité, et mené plusieurs diagnostics nationaux.

  • Diagnostic du secteur public : un bilan peu satisfaisant

L’AFA a lancé un diagnostic auprès des différents ministères, afin d’évaluer l’état actuel des dispositifs de prévention de la corruption. Le rapport détaille notamment les conclusions de cette enquête, ainsi que des pistes d’amélioration pour mieux détecter et punir la corruption.

L’AFA insiste sur la diffusion élargie d’une culture anticorruption plus visible au sein des ministères, c’est une « condition nécessaire à la réalité et à l’efficacité de l’action car elle donne à tous le courage et la force de s’opposer aux pratiques illicites et si besoin, de les dénoncer. »

Mais pour l’heure, la maîtrise des risques anticorruption demeure très insuffisante chez les acteurs publics. Code de conduite, cartographie des risques, contrôles comptables internes, prévention des conflits d’intérêt… Tous les signaux étant au rouge, l’AFA conclut que les progrès sont moins importants dans le secteur public que dans le secteur privé.

  • Diagnostic sur la maturité des dispositifs anticorruption dans les entreprises

Malgré ses progrès, la situation du secteur privé est néanmoins encore loin d’être idéale. Un autre diagnostic publié en septembre 2020 concernait donc cette fois les entreprises, qu’elles soient assujetties ou non aux obligations de conformité de la loi Sapin 2. Il en ressortait notamment qu’un grand nombre d’entreprises sous-estiment le risque de corruption. En effet, si 70% d’entre elles assurent avoir déployé un dispositif de prévention et de détection, l’AFA ne considère le niveau de ce dispositif suffisant uniquement pour 46% d’entre elles.

Curieuse de comprendre les origines de cet écart de perception, l’AFA a identifié les principales faiblesses des entreprises françaises. L’agence insiste notamment sur la cartographie des risques, qui fait défaut pour 47% des entreprises, et sur la formation et la sensibilisation des équipes, insuffisante pour 44% d’entre elles.

Mais leur vulnérabilité majeure reste l’évaluation de l’intégrité de leurs tiers. Pourtant indispensable, cette pratique est négligée par 61% des entreprises, qui ne disposent pas d’une procédure adéquate. Pourtant, elle constitue un enjeu primordial à l’heure où les risques, judiciaires et réputationnels, que font peser les actes illégaux d’une entreprise sur ses partenaires (fournisseurs ou clients par exemple) sont de plus en plus lourds. Et ce, y compris sur le plan pénal, notamment depuis le récent arrêt de la Cour de cassation selon lequel une entreprise peut être sanctionnée pour des actes d’une société qu’elle a absorbée.

Lire aussi : France : pourquoi les PME et ETI devraient aussi respecter la loi SAPIN 2 (même si elles n’y sont pas soumises)

En France, des pistes d’amélioration clairement identifiées

Au-delà des diagnostics, l’AFA dispose d’autres indicateurs pour mieux connaître les atteintes à la probité. D’abord, le traitement judiciaire de ces atteintes reflète la progression continue de la répression de la corruption en France.

Depuis 2014, le nombre d’affaires de corruption traité par les parquets français a augmenté de 12,6%. En 2019, 332 infractions de manquement à la probité ont conduit à la condamnation de personnes physiques, principalement pour corruption (41%), qu’elle soit active (28%) ou passive (13%), mais aussi pour détournement de biens publics (20,5%), prise illégale d’intérêt (15,7 %) ou encore favoritisme (10,5 %). L’emprisonnement est la peine la plus prononcée (71% des cas), d’une durée moyenne de 14 mois. 49% de ces condamnations se sont aussi soldées par une amende, d’un montant moyen de 196 715€ – un chiffre en augmentation constante au fil des années.

Par ailleurs, les missions de contrôle effectuées sur le terrain par l’AFA permettent d’identifier d’autres déficiences. En 2020, la plus criante est l’insuffisance des contrôles comptables, une mesure Sapin 2 qui n’avait été respectée par un tiers des entreprises contrôlées.  L’AFA insiste aussi tout particulièrement sur le niveau d’engagement de l’instance dirigeante, en constatant que dans la pratique, la qualité des dispositifs anticorruption est systématiquement proportionnelle à un engagement fort.

Parallèlement, l’AFA désigne aussi certaines faiblesses inhérentes à la loi Sapin 2. D’abord, l’agence reproche à la loi de créer « une distorsion de concurrence au détriment des groupes français », puisqu’elle ne « permet pas d’appréhender la situation des groupes étrangers qui exercent une partie de leurs activités sur le territoire national ».

Ensuite, elle va plus loin et déplore de ne pouvoir étendre ses contrôles à des structures comme les groupements d’intérêt public, les sociétés publiques locales, les fondations et associations financées sur fonds publics… Qui apparaissent pourtant particulièrement exposés au risque de mésusage des fonds publics.

Concernant les avancées anticorruption en France depuis la loi Sapin 2, la position de l’AFA peut se résumer ainsi : les mesures ont commencé à produire des résultats satisfaisants grâce à ses travaux mais des moyens humains suffisants n’ont pas été donnés à l’agence anticorruption. Enfin, l’AFA regrette aussi notamment de ne pas disposer du droit de communiquer avec les autres services de l’Etat, l’isolant ainsi dans ses missions.

Le 16 décembre 2020, une mission d’évaluation de la loi Sapin 2 a été décidée par l’Assemblée Nationale. L’AFA espère donc que le bilan fera ressortir les mêmes constats.

Une coordination mondiale à intensifier pour renforcer la lutte

En 2020, l’AFA était présidente du Réseau des Autorités de Prévention de la Corruption (NCPA), qui vise à incarner concrètement l’émergence d’un forum international dédié aux sujets d’anticorruption.

Un des chantiers majeurs de ce réseau consiste à établir une cartographie mondiale des autorités anticorruption. Pour les institutions anticorruption, cette cartographie est pensée comme un outil de suivi des institutions établies dans le monde, afin de comprendre leurs caractéristiques et leurs besoins. Par ailleurs, à une époque où les législations anticorruption se multiplient et se chevauchent parfois, cette cartographie peut servir d’outil aux entreprises, pour mieux comprendre le pouvoir d’enquête des autorités et les sanctions encourues dans les différentes régions du monde.

L’AFA a également lancé un projet en vue d’identifier les meilleures pratiques en matière de formation anticorruption, et d’en tirer un « livre de recettes » à destination des organisations.

Enfin, une des grandes nouveautés de l’action internationale est Datacros, un outil européen d’exploitation de données en vue de mesurer et détecter la corruption. Grâce à la mise en commun des ressources d’organismes européens comme l’AFA, le centre de recherche italien Transcrime ou encore la CNP Espagnol, l’outil doit permettre de détecter les schémas de collusion, les liens capitalistiques discrets, les structures anormalement complexes ou encore les relations avec des personnes politiquement exposées. A l’heure actuelle, l’outil est encore au stade de prototype ; à terme, il est conçu pour devenir un instrument incontournable  pour faciliter les enquêtes et les poursuites dans les affaires de corruption.

Ces coopérations ont renforcé l’AFA dans la conviction qu’une action concertée et coordonnée des différentes institutions anticorruption est nécessaire. Selon les mots de son directeur Charles Duchaine : « on ne lutte pas seul contre la corruption ».

Sources

Agence Française Anticorruption

Nos résumés Skan1 des publications de l’Afa en 2020

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