L’Espagne face au défi de la corruption : la pression européenne s’intensifie

L'Espagne face au défi de la corruption : la pression européenne s'intensifie
Déjà touchée récemment au plus haut niveau par des affaires de corruption, l’Espagne atteint désormais un seuil critique

L’Espagne traverse aujourd’hui une période critique concernant la perception de la corruption qui s’est dégradée de manière significative au cours des cinq dernières années. Cette situation préoccupante attire l’attention croissante des institutions européennes et du Conseil de l’Europe, qui exigent désormais de Madrid qu’elle accélère ses efforts pour combattre ce fléau qui fragilise ses institutions et son économie.

Une image fortement dégradée et pénalisante

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon Transparency International, l’Espagne a obtenu une note de 56 sur 100 dans l’indice de perception de la corruption 2024, la plaçant au 16e rang de l’Union Européenne et au 46e rang mondial. Plus alarmant encore, 87 % des entreprises espagnoles estiment que la corruption est très répandue dans le pays, un pourcentage bien supérieur à la moyenne européenne de 63 %. Plus de la moitié d’entre elles considèrent même la corruption comme un obstacle majeur à leurs activités, contre seulement 35 % en moyenne dans l’UE.

L’Institut des Études Économiques, s’appuyant sur les données de l’institut suédois Varieties of Democracy, révèle une dégradation rapide et inquiétante. L’Espagne a chuté de neuf rangs entre 2019 et 2024, passant de la 14ème à la 23ème position sur 38 pays de l’OCDE. Avec une note de 10,3 sur 100 à l’indice V-Dem, elle figure désormais parmi les 15 pays les plus corrompus de l’OCDE et affiche même la plus forte détérioration de tout le classement, avec une chute de 178 % de son score sur cette période. Cette dégradation contraste fortement avec l’amélioration observée dans des pays comme la République Tchèque, la Lettonie ou l’Allemagne.

Un sujet de préoccupation majeur pour l’Europe

La pression exercée par l’Europe sur l’Espagne se fait en conséquence de plus en plus présente. La Commission Européenne appelle Madrid à redoubler d’efforts pour relever les défis liés à la durée des enquêtes et des poursuites afin d’accroître l’efficacité du traitement des affaires de corruption de haut niveau, ce notamment par la réforme du code de procédure pénale. Le Groupe d’États contre la Corruption du Conseil de l’Europe (GRECO) s’est montré particulièrement critique dans un rapport publié le 1er août 2025, constatant que Madrid n’a mis en œuvre aucune des 19 recommandations formulées depuis 2019.

Parmi les lacunes les plus préoccupantes identifiées figure l’absence de régulation des conseillers politiques, classés comme « personnel temporaire » et non soumis aux règles applicables aux fonctionnaires. Leur nombre a d’ailleurs significativement augmenté sous le mandat du Premier Ministre Pedro Sánchez, passant de 599 conseillers sous son prédécesseur Mariano Rajoy à 948 à ce jour. Le maintien d’un régime d’immunité judiciaire pour les hauts responsables constitue également un point de friction majeur. Les ministres, députés et sénateurs ne peuvent être poursuivis que par la Cour suprême, comme l’illustre l’affaire de l’ancien ministre José Luis Ábalos, inculpé dans une affaire de corruption présumée liée à la pandémie de COVID-19, mais protégé par son statut de député indépendant.

Le rapport européen identifie plusieurs secteurs clés à haut risque de corruption, notamment les marchés publics, le financement des partis politiques, les projets d’infrastructure et les contrats de service public. Le gouvernement espagnol subit également une pression croissante en raison d’enquêtes récentes visant des proches de Pedro Sánchez et des membres de son parti, le Parti socialiste-ouvrier espagnol (PSOE), certains documents policiers décrivant même une structure de « type mafieux » au sein de l’appareil socialiste.

Un enjeu politique capital face à l’opposition

Face à cette crise, qualifiée comme la plus grave depuis son arrivée au pouvoir, Pedro Sánchez a présenté le 9 juillet 2025 un plan national de lutte contre la corruption aux députés. Après avoir envisagé de démissionner, le Premier ministre a affirmé qu’il ne « jetterait pas l’éponge » car il se considère comme un « homme politique propre ». Ce plan, élaboré en collaboration avec l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques, est décrit par Pedro Sánchez comme la « plus grande avancée de ces dernières décennies ».

Le programme comprend 15 mesures articulées autour de cinq axes principaux : le renforcement des capacités de l’État pour enquêter, juger et punir les malversations, la protection des dénonciateurs d’affaires de corruption, la récupération des biens et des fonds volés, la mise en place d’une agence d’intégrité publique indépendante, et l’utilisation de l’intelligence artificielle pour détecter des indices de fraude sur la plateforme d’attribution des contrats publics. Des contrôles de patrimoine aléatoires des hauts fonctionnaires sont également prévus.

L’annonce de ce plan a été accueillie avec scepticisme par l’opposition. Le leader du Partido Popular (PP), Alberto Núñez Feijóo, a immédiatement rejeté le discours, assimilant le PSOE à une « organisation criminelle » et appelant à des élections anticipées. Le PP a également accusé l’exécutif de retarder délibérément la publication du rapport du GRECO pour protéger Pedro Sánchez, qualifiant ce document de « destructeur ».

L’Espagne à la croisée des chemins

Au-delà des enjeux politiques, la corruption représente aujourd’hui un véritable poison économique pour l’Espagne. Elle entraîne une perte de compétitivité, une désaffection citoyenne et un climat d’affaires dégradé. Le rapport de l’Institut des Études Économiques souligne une fragilisation générale de l’État espagnol et un écart croissant avec le reste de l’Europe sur des piliers fondamentaux tels que la qualité des lois et la stabilité des institutions. La déficience réglementaire de l’Espagne est 33 % supérieure à la moyenne européenne, ce qui pèse sur la confiance, l’investissement et la démocratie.

L’Espagne se trouve aujourd’hui à un carrefour décisif. La pression de la Commission Européenne et du Conseil de l’Europe est forte, exigeant des mesures concrètes et une accélération des réformes. Si le gouvernement de Pedro Sánchez a présenté un plan ambitieux, sa mise en œuvre effective et la restauration de la confiance des citoyens et des partenaires européens constituent désormais les défis majeurs que Madrid devra relever pour sortir de cette crise de crédibilité.

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