Faits de corruption et sanctions : un éclairage inédit de l’AFA sur la situation en France

Plus de 25% des 504 affaires recensées par l’AFA ont donné lieu à des peines d’emprisonnement

À l’occasion de la Journée internationale de lutte contre la corruption, l’Agence française anticorruption (AFA) a publié une analyse édifiante des condamnations pénales en matière d’atteintes à la probité en 2021-2022. En passant également au crible une centaine de chroniques jurisprudentielles, le rapport livre un portrait détaillé du fait corruptif en France. Un bilan qui résonne particulièrement alors que l’éthique publique est secouée par des scandales à répétition.

504 décisions de justice en 2021-2022

Entre 2021 et 2022, l’AFA a recensé 504 décisions de justice, liées à 489 affaires distinctes. La corruption représente 37% de ces affaires, ayant mené dans 78% des cas à des condamnations, avec des peines moyennes de 17,5 mois de prison et une interdiction d’exercer une fonction publique pour 11,6 % des condamnés.

26 % des infractions sont liées au détournement de fonds publics, qui implique souvent des montages complexes pour dissimuler des abus de fonds publics à des fins personnelles. 18% sont des affaires de favoritisme, soit l’octroi d’avantages injustifiés dans le cadre de la commande publique, et 17% ont trait à des prises illégales d’intérêt, ou le fait d’utiliser sa position afin d’obtenir un avantage personnel.

Ces affaires concernent principalement le secteur public (67 %), bien que le secteur privé en soit également affecté (25 %). Et dans le privé, les secteurs les plus concernés par les atteintes à la probité sont, très souvent ceux où l’interpénétration public/privé est forte, comme la construction.

Les disparités géographiques sont notables, avec une concentration importante des infractions en Île de France, en Occitanie et en Corse. Toutefois, les types d’infractions majoritaires diffèrent d’une région à l’autre. Par exemple, les cas en Corse sont principalement des détournements de fonds publics, prises illégales d’intérêt et favoritisme, alors que la corruption prédomine en Occitanie, en Île de France ou dans les Hauts-de-France.

Le rapport renseigne également le profil des prévenus : les mis en cause sont majoritairement des hommes (80 %), avec un âge médian de 44 ans. Les agents publics représentent 30,1 % des prévenus, suivis des dirigeants d’entreprises (23,2 %) et des particuliers (18 %). Les élus, bien que minoritaires (11,6 %), se retrouvent régulièrement impliqués dans des prises illégales d’intérêts ou des abus de fonctions. Les personnes morales restent minoritaires : 5,3% des infractions concernent des entités de droit privé.

Au total, 72 % des affaires ont conduit à des condamnations, dont 38 % de peines d’emprisonnement, souvent assortie d’une amende. Ces sanctions s’accompagnent de la confiscation des profits des activités illicites, une mesure saluée par l’AFA pour son efficacité dissuasive, frappant directement les auteurs au portefeuille.

Chroniques judiciaires : un reflet des scandales contemporains

Pour illustrer ces tendances, une centaine d’affaires ont été synthétisées sous la forme de chroniques jurisprudentielles. On y trouve des exemples saisissants, comme celui d’un fonctionnaire ayant accepté cadeaux et voyages pour accélérer les dossiers administratifs d’étrangers en situation irrégulière employés par un entrepreneur. L’agent public a été condamné à huit mois de prison avec sursis et l’entrepreneur à deux ans de prison, 80 000 € d’amende, et une interdiction définitive d’exercer des fonctions commerciales ou administratives. Les scénarios sont variés comme un dirigeant de société informatique condamné pour avoir accepté plus de 300 000€ de pots-de-vin, ou un policier fournissant des informations sensibles à un réseau criminel en échange d’argent liquide…

Ces atteintes à l’intégrité ne peuvent manquer de faire écho aux scandales qui ont récemment entaché l’éthique publique. En décembre, le chef de file du parti Les Républicains à Lyon, Philippe Cochet, a été contraint à la démission après sa condamnation à un an de prison ferme et cinq ans d’inéligibilité pour détournements de fonds publics. Fin octobre, l’ex-préfet Alain Gardère, plusieurs élus franciliens et des patrons du BTP ont été condamnés à des peines de prison aménagées et amendes dans une vaste affaire de corruption.

Au même moment, Alain Lambert, ex-ministre du budget, était jugé pour avoir encouragé l’implantation, en échange de dîners et cadeaux, d’un méga-centre d’enfouissement de déchets automobiles dans l’Orne. Le PNF a requis deux ans de prison avec sursis, 100 000 € d’amende et cinq ans d’inéligibilité, dans cette affaire qui verra son issue déterminée en janvier 2025. La semaine précédente, Didier Robert, ex-président du Conseil régional de La Réunion, a été condamné pour abus d’indemnités de résidence. Et une semaine plus tôt encore, Sony Clinquat, maire du Grand Fort Philippe dans le département du Nord, s’est vu condamné pour détournement de fonds publics.

La liste est longue, et devra pourtant être encore complétée par la pléthore d’enquêtes, mises en examen et de procès à venir de figures publiques emblématiques. On citera notamment le procès visant l’actuelle ministre de la culture Rachida Dati, aux côtés de l’ex-dirigeant de Renault Carlos Ghosn, pour une rémunération de 900 000 € considérée par le PNF comme un pot-de-vin pour défendre les intérêts du constructeur automobile au Parlement européen. L’ancien Premier ministre François Fillon, lui, a été définitivement reconnu coupable de détournement de fonds publics dans l’affaire des emplois fictifs de son épouse. Sa peine définitive sera déterminée en avril 2025.

Mieux cibler la corruption

Face à cette corruption qui semble omniprésente, Laure Beccuau, procureure de Paris, a également réaffirmé son engagement contre la corruption, dont elle veut faire l’un de ses chevaux de bataille. L’AFA reste en tête de file. Afin de mieux cibler ses actions, l’agence s’est réorganisée : deux sous-directions sont désormais chargées des acteurs publics et économiques, avec des compétences renforcées en conseil et contrôle. Cette réorganisation s’accompagne “d’un renforcement des activités transversales” et de la mise en place de l’observatoire des atteintes à la probité, afin de bénéficier d’une vision plus globale de ces phénomènes en France.

Sources

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