CPI, BRM, CRF… Ces outils pour mesurer le risque de corruption dans un pays étranger

CPI, BRM, CRF… Ces outils qui permettent de mesurer le risque de corruption dans un pays étranger
Appréhender le niveau du risque de corruption dans une juridiction cible est indispensable

Le risque d’exposition à la corruption est devenu un enjeu majeur pour les entreprises en raison des conséquences pénales, financières et réputationnelles auxquelles un scandale peut donner lieu. Dans un contexte actuel de vigilance renforcée de la part des régulateurs mondiaux, les entreprises opérant à l’étranger peuvent s’appuyer sur certains outils pour connaître les risques propres à un pays ou une région spécifique.

Risque de corruption pays : une mesure clé

Tous les pays ne sont pas égaux face à la corruption. Les cadres juridiques qui réglementent les pratiques commerciales diffèrent d’un pays à l’autre, tout comme la culture des affaires à laquelle peuvent être confrontés les responsables de filiales à l’étranger. Un manque d’information à cet égard est d’autant plus dangereux que l’implantation à l’étranger nécessite souvent le recours à des intermédiaires, afin de développer un réseau commercial et de s’adapter aux pratiques business locales.

Lorsque des inconduites sont identifiées par une autorité locale ou extraterritoriale, l’entreprise peut être reconnue responsable des faits commis par un tiers agissant pour son compte. Et même si elle peut démontrer qu’elle ignorait tout de ces agissements, elle sera tenue responsable, a minima d’un manque de vigilance à l’égard de ses tierces parties.

Les pays où la corruption est généralisée présentent des risques plus élevés : sollicitation de pots-de-vin, favoritisme, extorsion, détournements de fonds publics… En comprenant ces risques, l’entreprise peut prendre des mesures préventives pour les atténuer et les gérer efficacement. À l’heure actuelle, il existe deux principaux moyens d’appréhender ce « risque de corruption pays » :

1) Connaître les réglementations applicables permet de respecter la loi et se faire une idée du niveau d’exigence du pays vis-à-vis de ses entreprises et responsables publics. Un État présentant un cadre anticorruption peu exigeant doit susciter la vigilance de l’entreprise. Attention : à ces réglementations locales s’ajoutent les réglementations extraterritoriales, à l’instar du FCPA américain, qui peuvent occasionner des sanctions indépendamment du lieu où l’infraction a été commise.

2) Croiser les outils de mesure de la corruption disponibles dans les régions ciblées : de plus en plus d’instruments existent pour évaluer le risque spécifique à un État. Récemment, L’AFA (Agence Française Anticorruption) a publié un recueil de fiches pratiques sur la mesure de l’exposition des États au risque de corruption. Il liste notamment les différents baromètres existants pour évaluer ces risques, et donne un aperçu de la méthodologie et des limites de chaque ressource.

Nous dressons ci-après un bref panorama des ressources disponibles pour identifier les risques pays, et déterminer la probabilité de se retrouver confronté à des demandes de pots-de-vin lors de transactions internationales – une étape indispensable avant de s’engager auprès d’un fournisseur local, ou de conclure tout partenariat avec un tiers. 

Différentes façons de mesurer la corruption

Les méthodes pour mesurer la corruption sont multiples : perceptible ou prédictive, approche mondiale ou régionale, focalisée exclusivement sur la corruption ou l’intégrant dans un champ d’étude plus global.

Mesurer la perception de la corruption à l’échelle mondiale

Les deux indicateurs les plus célèbres sont sans doute l’Index de Perception de la Corruption (IPC) de l’ONG Transparency International et le Bribery Risk Matrix (BRM) de l’ONG canadienne TRACE International. Ces deux indices se fondent sur une agrégation de données liées à la perception de la corruption par les individus et experts de la criminalité en col blanc. La principale différence repose sur sur le champ d’étude : l’IPC se concentre sur le secteur public, tandis que le BRM intègre le secteur privé dans son analyse.

D’autres baromètres de la perception de la corruption incluent :

Il peut-être pertinent de croiser ces indices avec d’autres ressources complémentaires, permettant par exemple de mieux évaluer l’environnement des affaires.

Prédire le risque de corruption

D’autres indices plus récents, comme le Corruption Risk Forecast (CRF), reposent sur une approche prédictive de la corruption. Le CRF évalue le risque de 12 États à partir d’une trentaine d’indicateurs tangibles, comme l’ouverture commerciale, la transparence administrative et les décisions de justice récentes. Une entreprise implantée à l’étranger peut y consulter des données gratuites sur la transparence administrative du pays, des listes de permis délivrés par le gouvernement… Il est donc très complémentaire des autres indices, et fournit de nouveaux outils pour l’analyse du risque conformité.

Étudier la corruption comme thème transversal

Certains indices intègrent la corruption dans un panorama élargi des risques ESG (environnement, société et gouvernance) et de la criminalité. Pour n’en citer que quelques uns :

Les baromètres régionaux

Certains indices permettent de cibler une région précise, comme :

  • L’Eurobarometer de la Commission européenne, qui prend la température de l’opinion publique dans les 27 pays de l’UE.
  • L’Afrobarometer, un baromètre bisannuel consacré à la perception de la corruption du secteur public dans 34 États et territoires africains.  
  • L’Asianbarometer, consacré à la perception du phénomène corruptif dans 18 pays d’Asie.
  • Le Latinobarometro, qui évalue la perception de la corruption publique en Amérique latine.

Transparency International publie également des baromètres régionaux de la corruption.

Les rapports d’évaluation de l’ONU & l’OCDE

Enfin, d’autres ressources peuvent être consultées pour compléter l’étude du risque pays. Plusieurs d’organismes internationaux publient régulièrement des rapports d’évaluation sur la mise en œuvre des réglementations internationales anticorruption : rapports de l’ONU, de l’OCDE, du GRECO… Notons que depuis 2021, l’OCDE développe un indice d’Indicateurs d’Intégrité Publique (PII), couvrant tous les États membres de l’OCDE et secteurs d’activité. L’indice est actuellement en développement.

Les listes de pays ciblés par des sanctions

Enfin, il est essentiel de connaître les États qui font l’objet de sanctions internationales. En cas de doute, les professionnels de la conformité peuvent consulter la liste des sanctions françaises, la liste des sanctions européennes (UE), la liste de l’ONU, ou la liste de l’OFAC (Office of Foreign Assets Control) américain. Ces listes sont mises à jour chaque année en fonction du contexte international, il est donc important de les consulter à intervalle régulier pour observer leur évolution.

Des outils pour cartographier les risques pays

Concrètement, que ressort-il de ces indices et rapports d’évaluation ? Selon les périmètres d’étude et la méthodologie, les indices peuvent mettre en évidence des variations importnates. Par exemple, en 2022, la Chine est classée 87ème dans le CPI, mais 151ème dans le BRM. Il peut donc être intéressant, pour un pays donné, de croiser les informations de chaque indice en comprenant les critères qui font monter/baisser un pays d’un indice à l’autre.

Mais dans l’ensemble, ces mesures reflètent toutes la même réalité. Trois continents constituent en effet une authentique « zone rouge » : l’Asie, l’Afrique et l’Amérique du Sud, avec des niveaux de risque variant d’un pays à l’autre.

  • En Amérique latine, tous ces baromètres s’accordent pour attribuer un niveau de risque inférieur à des pays comme le Chili et l’Uruguay, tandis que le Venezuela, le Nicaragua et Bolivie sont presque « universellement » considérés comme les pays les plus à risque de la région.
  • En Afrique, les résultats sont plus contrastés d’un indice à l’autre. En 2022, les « mauvais élèves » du CPI sont notamment la Libye, le Tchad, le Soudan du Sud et la Somalie ; alors que selon le BRF et le CRF, la Libye n’est pas aussi à risque que la RDC, pourtant « moins risquée » selon le CPI.
  • En Asie, malgré quelques variations, les pays les plus problématiques sont le Yémen, le Turkménistan et la Corée du Nord.

Globalement, pour ces trois continents, il est intéressant de croiser les sources pour mieux comprendre l’évolution de certains pays. Par exemple, la Commission européenne a récemment retiré le Cambodge et le Maroc de sa liste des juridictions à haut risque face au blanchiment de capitaux, et ajouté le Nigéria et l’Afrique du Sud. Si on compare cette information avec les différents indices cités, on voit que le Cambodge « remonte » dans les classements antiorruption depuis 2019 – de manière inégale d’un indice à l’autre.

Ce type de variation peut indiquer que la situation d’un état est en train de progressivement s’améliorer ou se dégrader. En fonction de leur méthodologie, certains indices continuent à présenter le Cambodge comme un des pays au plus haut niveau de risque, et d’autres ont d’ores et déjà amélioré le classement du pays.

Après avoir constaté ces variations, on peut approfondir son étude en consultant le rapport de l’ONU, qui présente un résumé analytique de la loi et des pratiques adoptées par le Cambodge, les coefficients de transformation démocratique du Transformation Index, et ainsi de suite.

Les entreprises actives à l’international doivent aussi rester conscientes que les situations locales peuvent évoluer rapidement en fonction du contexte politico-économique. À l’aide de ces différents classements et outils, les entreprises devraient renouveler régulièrement l’étude des pays où elles sont actives, afin d’adapter leurs dispositifs de prévention au niveau de risque actuel.

Sources

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