Amec Foster Wheeler sanctionné pour corruption par les USA et le Royaume-Uni

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Amec Foster Wheeler a reconnu les faits au Brésil, au Nigéria, en Arabie Saoudite et en Inde

Le 25 juin, la société britannique d’ingénierie Amec Foster Wheeler a conclu un accord avec la justice américaine afin de régler des poursuites pour corruption d’agents publics à l’étranger. Poursuivie pour avoir versé des pots de vin à des fonctionnaires brésiliens, l’entreprise a accepté de payer environ $41 millions au DoJ et à la SEC.

Depuis le début de l’année 2021, c’est la première sanction imposée dans le cadre du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), la loi américaine punissant la corruption d’agents publics à l’étranger. Après des sanctions record en 2020,  la justice américaine revient en force sur la scène internationale en condamnant des faits de corruption s’inscrivant dans le contexte de l’affaire Petrobras, le plus gros scandale de corruption de l’histoire du Brésil.

Mais les autorités américaines ne sont pas seules à s’être emparées de cette affaire puisque le règlement est survenu une semaine avant l’annonce d’un autre accord, autrement plus substantiel : l’entreprise va également devoir régler £103 millions à la justice britannique, pour des pratiques de corruption s’étalant sur une période de 18 ans.

Selon le Serious Fraud Office, « sur une période de 18 ans, Foster Wheeler a effrontément versé des pots-de-vin à des fonctionnaires du monde entier pour obtenir des informations et gagner des contrats, faisant de grands efforts pour dissimuler sa conduite corruptrice ». Dans l’accord conclu avec la justice britannique, l’entreprise a reconnu des faits de corruption au Brésil, mais aussi au Nigéria, en Arabie Saoudite et en Inde.

Nous détaillons ici en particulier le volet brésilien de l’affaire, pour lequel un plus grand nombre d’informations sont disponibles grâce aux comptes-rendus de l’enquête américaine.

$ 1,1 million de pots-de-vin pour un 1er contrat

L’entreprise sanctionnée, Amec Foster Wheeler Energy Limited (AFW), est une société de services pétroliers et gaziers basée à Londres, et détenue depuis 2017 par la multinationale britannique John Wood Group plc.

En 2011, AFW a souhaité s’implanter sur le fructueux marché brésilien du gaz et du pétrole. Afin de trouver des opportunités commerciales sur le territoire, la filiale brésilienne d’AFW, Foster Wheeler Energy Limited, a engagé un Directeur Pays (DP) basé à Rio de Janeiro, supervisé par un responsable basé dans les bureaux américains d’AFW à Houston (Texas). L’entreprise a alors jeté son dévolu sur un contrat de $190 millions pour la conception d’un complexe gaz-chimique.

Selon les aveux d’AFW dans le Deferred Prosecution Agreement (DPA) conclu avec le DoJ, l’entreprise a conspiré entre 2011 et 2014 avec notamment l’aide d’un agent commercial italien et d’un intermédiaire monégasque, afin de soudoyer les dirigeants de la société pétrolière publique brésilienne Petrobras.

Au total, AFW aurait versé plus de $1,1 million de pots-de-vin. Selon les estimations du DoJ, l’entreprise aurait réalisé au moins $12,9 millions de bénéfices grâce à ce stratagème, avec également la complicité d’employés des bureaux AFW de New York et Houston.

Les pots-de-vin ont été versés à trois intermédiaires respectivement italien, monégasque et brésilien qui avaient pourtant tous été disqualifiés par les procédures de due diligence d’AFW.

Intermédiaires corrompus et diligences falsifiées

L’ordonnance de la SEC permet de mieux comprendre comment l’entreprise en est arrivée là. La première erreur d’AFW est d’avoir commencé à travailler avec cet agent italien, avant même que les due diligences réglementaires relatives aux tiers aient pu être menées.

L’agent italien est d’abord présenté au PDG d’AFW par le président de son conseil d’administration, par le biais d’un email l’informant que l’italien détient des informations précieuses sur le contrat brésilien. Dans le message, le président du board précise ceci : « cette personne m’a a été présentée par un ami mutuel. Je n’ai aucune idée de sa légitimité ».

Le PDG consulte ensuite le DP Brésil, qui lui déconseille d’avoir recours à cet intermédiaire. Mais un rendez-vous est quand même organisé, au cours duquel l’agent italien déclare qu’il a des liens avec une entreprise monégasque active dans le secteur pétrolier et disposant d’informations de haute importance dans le contexte du contrat brésilien.

Un mois plus tard, l’agent italien sollicite par e-mail un nouveau rendez-vous auprès du DP Brésil. Il écrit que l’entreprise monégasque « a bien été validée par la procédure de due diligence de votre entreprise, donc cela devrait apaiser vos réserves à propos de la compliance ». Or bien au contraire, AFW a déjà disqualifié l’intermédiaire monégasque en raison d’inquiétudes sur le plan de la conformité.

Mais l’agent italien insiste : dans un nouvel email au DP, il écrit notamment que « discuter de la compliance (j’insiste que sur le fait que nous avons une solution pour cela) n’est pas pertinent à l’heure actuelle, puisque vous avez une bataille difficile devant vous, pour laquelle nous pourrions vous apporter une véritable assistance professionnelle ». Le DP transfère alors ce mail au bureau de Houston, en réitérant ses réserves.

Pourtant quatre mois plus tard, en avril 2012, ce même DP confirme auprès du PDG d’AFW que si l’entreprise obtient le marché, elle offrira une commission de 2% à l’agent italien. L’avocat général d’AFW rédige à ce moment un contrat temporaire au bénéfice de ce dernier au mépris de la politique interne de l’entreprise, qui interdit de conclure de tels accords tant que les due diligence sont ne sont pas terminées.

L’intermédiaire transalpin met alors AFW en lien avec un autre intermédiaire : une petite entreprise brésilienne spécialisée dans les services d’ingénierie, détenue par un ancien employé de Petrobras. Là encore, la procédure de due diligence est bafouée : dans son rapport sur ce potentiel intermédiaire, le DP Brésil ajoute un post-it pour mentionner ses liens avec l’agent italien. Mais le Directeur du Développement du bureau de Houston demande au DP Brésil de retirer ce post-it avant de soumettre le document.

Les intermédiaires italien et brésilien rencontrent ensuite des responsables de Petrobras, et versent des pots-de-vin pour obtenir des informations confidentielles, et pour négocier des termes avantageux relativement au projet. Quelques jours après, Petrobras annonce que AFW est le seul candidat qualifié pour le contrat.

Le 8 mai 2012, soit une semaine plus tard, les dirigeants d’AFW reçoivent le résultat des due diligence, qui révèlent de forts soupçons de corruption. Mais l’entreprise ne résilie pas pour autant le contrat et l’agent italien continue de travailler sur les négociations. De son côté, l’intermédiaire brésilien a été validé par la procédure, mais seulement grâce à la dissimulation des informations gênantes, et une commission supplémentaire de $560 000 lui est versée en août 2012, trois jours avant l’attribution définitive du contrat Petrobras à AFW.

L’italien continue de jouer un rôle actif au cours des années suivantes, en rencontrant par exemple des tiers dont il ne précise pas l’identité auprès du DP Brésil. De son côté, entre février 2013 et juillet 2014, l’agent brésilien envoie à AFW quatre factures, sans détailler quel travail est censé justifier une commission de 2%. Le DP Brésil déclare d’ailleurs à sa hiérarchie que l’intermédiaire brésilien a perdu de son influence auprès de Petrobras, mais qu’il « peut nous rendre la vie difficile si nous ne le payons pas ».

Durant cette période, $1,1 million de pots-de-vin sont payés. Selon la SEC, les intermédiaires brésiliens et italiens ont utilisé une partie de ces « commissions » pour verser plus d’un million de dollars de pots-de-vin aux responsables du projet Petrobras.

AFW : la fin des poursuites, pas la fin de l’histoire

L’enquête américaine a donc abouti à une sanction totale de $41 millions, répartie entre les $18,3 millions d’amende à régler au DoJ pour violation des dispositions anticorruption du FCPA, et les $22,8 millions de redressement dûs à la SEC au titre de la restitution des gains illégaux et des intérêts correspondants.

De nombreux critères ont été pris en compte pour aboutir à cette résolution : parmi les facteurs aggravants, la nature et la gravité de l’infraction, et le fait que la société n’ait pas divulgué les malversations en temps opportun. En revanche, d’autres facteurs ont permis de minorer la peine infligée :  la sanction pénale de l’entreprise a été réduite de 25%, a déclaré le DOJ, en raison de sa « pleine coopération » et des « mesures correctives » rapidement prises pour améliorer son dispositif anticorruption.

En effet, les autorités ont considéré qu’AFW avait coopéré de manière efficace en transmettant des documents-clé pour l’enquête, et mettant fin aux contrats des employés impliqués dans les infractions. Enfin, l’accord reconnait les efforts menés par AFW et sa société-mère Wood, pour améliorer leur dispositif de conformité : le code de conduite a été enrichi, avec des politiques bien définies relativement aux cadeaux et invitations et à l’utilisation d’intermédiaires tiers. Les deux entités ont également créé de nouveaux postes afin de mieux gérer le risque de corruption, et elles ont amélioré la formation des employés concernant ce risque.

Notons qu’en concluant un DPA, l’entreprise a aussi accepté de continuer à coopérer avec les autorités américaines pendant une période de trois ans – au cours desquels AFW devra collaborer dans le cadre de toute enquête sur l’entreprise, ses dirigeants, employés ou agents. Pendant une période de trois ans, AFW et Wood devront ainsi rendre compte des améliorations apportées auprès des autorités.

Du côté britannique, selon le Serious Fraud Office, le DPA anglais conclut l’enquête sur l’entreprise et ses filiales ; mais concernant les suspects individuels, le tribunal a annoncé qu’il va « prendre des décisions d’inculpation dans les trois prochains mois ».

Sources

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