Un directeur commercial licencié pour défaut de due diligence anticorruption

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La Cour d’Appel d’Angers a confirmé le licenciement pour non respect des procédures anticorruption

Un cadre dirigeant ayant négligé des vérifications anticorruption peut être licencié pour cause réelle et sérieuse : c’est à ce motif qu’en mars 2021 la Cour d’Appel d’Angers a validé le licenciement d’un directeur commercial. Ce dernier avait organisé un rendez-vous avec un distributeur potentiel sans avoir respecté la procédure en vigueur dans son entreprise qui définissait un certain nombre de contrôles d’intégrité préalables.

Rendez-vous pour signer avec un tiers inconnu

L’affaire implique une société d’armement appartenant à un groupe spécialisé dans la pyrotechnie à usage civil et militaire. Selon la procédure interne de l’entreprise, la signature d’un contrat avec un partenaire commercial nécessite au préalable un certain nombre de vérifications. Au sein de cette société, c’est la direction du développement international (D.D.I.) qui est notamment responsable de procéder aux contrôles nécessaires pour identifier les potentiels signaux d’alerte.

C’est cette étape qui a été négligée par le directeur commercial en 2017, lorsqu’il a invité la direction générale à se rendre à un rendez-vous à Abu Dhabi avec des responsables d’une société basée au Émirats Arabes Unis. L’objectif de cette rencontre était la signature d’un contrat exclusif de distribution d’équipements pour le maintien de l’ordre. Selon la procédure de l’entreprise, ce type de contrat avec des partenaires étrangers doit faire l’objet de vérifications strictes, afin notamment de prévenir les risques de corruption ou de trafic d’influence – et ce d’autant plus lorsque le tiers n’est pas déjà connu par l’entreprise.

La veille de la rencontre, le directeur du développement international a averti le directeur général que les vérifications préalables n’avaient pas encore été effectuées.

Non respect d’une procédure de due diligence sine qua non

L’entreprise n’a pas tardé à réagir : quelques semaines après le rendez-vous, le directeur commercial a été mis à pied à titre conservatoire, et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Au terme de ce processus, il a été notifié de son licenciement pour faute grave.

Dans la lettre recommandée qui l’informe de cette décision, le directeur est accusé d’avoir exposé l’entreprise à des risques importants :

« Votre expérience professionnelle en matière de relations avec des intermédiaires dans les opérations commerciales à l’international aurait pourtant dû vous alerter sur la nécessité d’être extrêmement prudent dans la conduite de ce dossier, et d’en assurer un suivi très rigoureux. Il est toutefois apparu que vous avez initié ce rendez-vous de signature en vous étant délibérément dispensé de respecter, en amont, la procédure interne de contrôle en vigueur »

Dans l’entreprise, cette procédure spécifique aux « partenaires commerciaux export » prévoit plusieurs étapes indispensables pour la régularité du contrat de distribution :

  • L’évaluation du tiers par la D.D.I
  • La finalisation d’un contrat par la D.D.I. et sa validation par le service juridique
  • L’existence d’un bordereau « signature de contrat de distribution » avec la signature du directeur commercial

Aux yeux des dirigeants de la société, ne pas respecter ces étapes constitue donc une faute grave. Une qualification contestée par le directeur commercial, qui a saisi les prud’hommes au Mans afin d’obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En 2019, le conseil des prud’hommes a d’ailleurs rendu un jugement favorable au directeur commercial, estimant que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamnant l’entreprise à payer 32 800 euros d’indemnités.

Licenciement pour « cause réelle et sérieuse »

Mais à la suite de l’appel, la Cour d’Appel d’Angers a requalifié le licenciement en invoquant une « cause réelle et sérieuse ». Au directeur commercial, il n’est pas reproché « l’omission de vérifications qui ne relevaient pas de sa responsabilité », mais bel et bien « le fait qu’il ne s’est pas inquiété du processus de validation » en règle dans l’entreprise. Selon la Cour, il relevait de sa responsabilité de se tenir au courant de l’avancée des vérifications.

Dans son jugement, la Cour a également pris en compte deux autres critères : le niveau de responsabilité du directeur commercial, et le secteur d’activité de l’entreprise, particulièrement sensible.

Toutefois, la Cour a récusé la qualification de « faute grave » pour deux raisons majeures. D’abord, parce que le comportement du directeur commercial « ne traduit ni une mauvaise foi ni une quelconque déloyauté ». D’autre part, la faute « n’a pas non plus eu pour effet de placer l’entreprise dans une situation de danger grave et immédiat ».

Un comportement à risque

Pourtant, cette négligence aurait pu placer l’entreprise dans une situation dangereuse. Les vérifications menées ultérieurement par la D.D.I. ont justement mis en évidence plusieurs signaux d’alertes qui ont conduit à une réouverture des négociations avec le distributeur en question. Si le contrat avait été signé au moment du rendez-vous organisé par le directeur commercial, l’entreprise aurait donc pu en pâtir sur le long terme.

Cette affaire illustre donc particulièrement l’importance de l’évaluation des tiers dans le contexte sensible des ventes à l’international. Grâce à un règlement interne définissant un processus de vérification solide, et conforme à la loi Sapin 2, l’entreprise d’armement a pu détecter le risque grâce aux due diligences réalisées avant de signer un contrat qui l’aurait rendu vulnérable sur le plan légal et réputationnel. Un signe de plus qu’au-delà du simple respect de la loi, les entreprises ont tout intérêt à s’approprier les exigences de conformité Sapin 2.

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