La Fédération Française d’Équitation dans le collimateur de l’Agence Française Anticorruption

La Fédération Française d’Équitation dans le collimateur de l’Agence Française Anticorruption
Outre la parution du guide dédié aux fédérations sportives, l’AFA a diligenté un contrôle de la FFE.

En prévision des Jeux Olympiques de Paris 2024, l’Agence Française Anticorruption (AFA) a intensifié sa vigilance vis-à-vis du secteur sportif, notamment en publiant un guide dédié aux fédérations sportives. Cependant, son action ne s’est pas limitée à sa diffusion, comme en témoignent les conclusions alarmantes d’un contrôle mené auprès de la Fédération Française d’Équitation (FFE). Bien que la FFE ne l’ait pas rendu public, ce rapport, diffusé par le média en ligne Les Surligneurs, illustre certaines pratiques à haut risque et offre un aperçu du fonctionnement des contrôles de l’AFA.

Un dispositif anticorruption lacunaire

Le contrôle, mené de juin 2022 à juin 2023, a mis en lumière les lacunes de la FFE dans l’application des mesures anticorruption imposées par la loi Sapin 2, malgré son statut d’association reconnue d’utilité publique et délégataire d’une mission de service public.

L’AFA a constaté que la FFE ne disposait pas de dispositif anticorruption proportionné pour prévenir et détecter les risques d’inconduite, et que l‘instance dirigeante méconnaissait largement les risques de corruption auxquels elle est exposée, bien que ces risques soient importants en raison de son rôle et de sa composition. En effet, la FFE est majoritairement constituée de membres des groupements équestres à but lucratif, contrairement à d’autres fédérations composées de clubs sportifs au statut associatif. Cette particularité accroît les risques de corruption et autres atteintes à la probité.

L’échange entre l’AFA et la FFE, contenue dans le rapport de contrôle, constitue un exemple intéressant des difficultés rencontrées par certaines organisations à remplir leurs obligations liées à la probité, perçues comme lourdes et coûteuses. À la date du contrôle, la FFE n’avait pas élaboré de cartographie des risques, ni mis en place de formation ou de sensibilisation à destination de ses dirigeants et salariés.

De plus, des processus sensibles tels que les achats ou les partenariats ne font pas l’objet des contrôles internes nécessaires pour prévenir efficacement les risques d’atteintes à la probité. Un aspect particulièrement préoccupant est l’absence d’un dispositif d’alerte interne, plus de 5 ans après l’entrée en vigueur de cette obligation. Enfin, la prévention des conflits d’intérêts est jugée insuffisante, et les procédures formalisées relatives aux cadeaux et invitations ainsi que l’évaluation des tiers sont inexistantes.

Des partenariats à haut risque

La situation est jugée est particulièrement inquiétante au regard des relations de la FFE avec des catégories variées de tiers, incluant des fournisseurs, des sponsors, des clubs, et des licenciés. Certains de ces tiers présentent un risque accru de conflit d’intérêts, comme les fournisseurs locaux ou ceux du secteur équestre. De plus, les activités internationales de la FFE, notamment ses partenariats avec des pays comme la Chine, nécessitent une vigilance accrue.

Malgré le grand nombre de partenariats conclus chaque année par la FFE (près de 70 en 2022, pour un montant d’environ 2 millions d’€), le tableau de suivi des contreparties financières transmis à l’AFA omet les montants associés à de nombreux partenariats. En l’absence d’un autre outil de suivi, la FFE est donc dans l’incapacité d’effectuer un suivi efficace de ses partenariats.

De plus, la FFE ne dispose pas de procédure formalisée de sélection de ses partenaires. Selon la Fédération, « les sollicitations de partenariat peuvent parvenir via un élu, un opérationnel ou un apporteur d’affaires ». Or ces sollicitations ne sont jamais tracées, bien que certains partenariats existent depuis plusieurs années. Une telle absence de traçabilité est préoccupante, car elle empêche d’identifier l’origine des relations avec les partenaires, un élément pourtant crucial pour prévenir de potentiels conflits d’intérêts.

Cette insuffisance est d’autant plus alarmante qu’elle s’applique même au partenaire le plus important de la FFE en termes de contrepartie financière. L’AFA relève ainsi plusieurs exemples de conflits d’intérêts potentiels, comme l’attribution de marchés à des sociétés détenues par l’un des sélectionneurs de la FFE.

Malgré les observations de l’AFA et le niveau de risque identifié, la FFE a exprimé des réserves sur la mise en œuvre d’un tel dispositif, le jugeant disproportionné par rapport à sa taille et ses ressources. En réponse, l’AFA rappelle que cette évaluation peut être ciblée sur des groupes de tiers à haut niveau de risque. Par exemple, l’AFA a mis en garde la FFE concernant l’emploi récent d’un apporteur d’affaires pour les partenariats, soulignant les risques élevés associés à ce type de tiers.

2017-2023 : cinq ans de contrôles de l’AFA

Ce type d’échange est représentatif des contrôles régulièrement menés par l’AFA au titre de l’article 17 de la loi Sapin 2. Ils se répartissent en deux catégories : les contrôles initiés par la directrice de l’AFA et les contrôles de l’exécution des sanctions administratives et mesures judiciaires imposant la mise en œuvre d’un programme de conformité.

En 2023, l’AFA a engagé 37 nouveaux contrôles. Parmi eux, 10 contrôles d’initiative ont ciblé des entreprises, dont deux grands groupes du secteur automobile (particulièrement exposé) et 8 étaient liés à des avertissements issus de précédents contrôles. Ces entreprises étaient françaises, à l’exception d’une filiale française d’un groupe étranger. En parallèle, 15 contrôles d’initiative ont été réalisés auprès d’acteurs publics. Enfin, 12 contrôles d’exécution ont été effectués sur des entreprises dans le cadre de sanctions juridiques, dont huit examens préalables à l’établissement d’éventuelles Conventions Judiciaires d’Intérêt Public (CJIP) à la demande du Parquet National Financier, et quatre contrôles sur la mise en conformité déjà imposée par une CJIP.

Le rapport d’activité 2023 de l’AFA offre aussi une rétrospective sur les 235 contrôles effectués depuis sa création. Un tiers d’entre eux a concerné des entreprises de l’industrie manufacturière, notamment dans l’aéronautique, l’environnement ou l’automobile, des secteurs vulnérables en raison de leur activité internationale et de leur proximité des marchés publics. La construction (14 %), le secteur financier (13 %), le transport et l’entreposage (11 %), ainsi que l’information et la communication (11 %) ont également fait l’objet d’une surveillance rapprochée.

Le bilan des efforts de conformité dans ces secteurs est contrasté. Malgré des avancées significatives depuis 2018, marquées notamment par un engagement renforcé des instances dirigeantes, des insuffisances majeures subsistent. Par exemple, la cartographie des risques reste incomplète dans 82 % des cas, tandis que le contrôle d’intégrité sur les tiers est jugé défaillant dans 88 % des contrôles.

Ces conclusions sont corroborées par les nombreuses enquêtes réalisées par l’AFA. S’agissant des entreprises, un diagnostic de 2022 montre une progression dans la connaissance des infractions et du risque pénal, ainsi que du référentiel anticorruption Sapin II. Ainsi, 92 % des entreprises déclaraient avoir mis en œuvre une ou plusieurs de ces mesures, contre 70 % en 2020. Toutefois, la mise en œuvre pratique de ces mesures reste problématique, avec des difficultés similaires à celles relevées dans le cas de la FFE, notamment en matière de contrôles internes et d’évaluation de l’intégrité des tiers.

Vers une cartographie nationale des risques de corruption

Face à ces constats, l’AFA poursuit son ambition de créer une cartographie nationale des risques de corruption, un projet lancé en 2021. Ce travail, d’abord destiné à un usage grand public, s’inscrit dans un contexte où la perception de la corruption reste préoccupante en France. Selon l’Eurobaromètre Corruption de juillet 2023, 69 % des Français estiment que la corruption est largement répandue dans le pays, et 26 % déclarent y avoir été personnellement confrontés.

Pour objectiver davantage le phénomène, l’AFA cherche à mener un travail de collecte systématique des décisions de justice en la matière, en créant un observatoire des atteintes à la probité. Une étude pilote, portant sur 111 décisions de justice rendues entre 2014 et 2020, montre que la corruption et le trafic d’influence représentent la majorité des affaires, réparties équitablement entre les secteurs public et privé. Les prévenus sont très majoritairement des personnes physiques (91%) de sexe masculin (80 %) et les affaires sont le plus souvent détectées via un dépôt de plainte ou un signalement par une autorité ou un agent public.

Du côté des contrôles, cette ambition d’une cartographie nationale laisse présager une tendance renforcée aux contrôles sectoriels, pour comparer le niveau de conformité d’entités d’un même secteur et relever des bonnes pratiques. Ces contrôles peuvent donner lieu à une amende maximale de 200 000€ pour les personnes physiques et 1 million d’€ pour les personnes morales, ainsi qu’à une injonction à adapter les procédures de conformité et à la diffusion publique de la sanction – une possibilité réactivée depuis le renouvellement de la Commission des sanctions de l’AFA en avril 2023, restée vacante plusieurs mois.

Ce projet devrait être au centre du prochain plan national pluriannuel de lutte contre la corruption dont la préparation a donné lieu à une consultation publique à l’automne 2023.

Sources

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