Conformité

Soupçons d’escroquerie en série contre des PME bretonnes

Escroquerie de PME dans les Côtes d’Armor

Plusieurs chefs d’entreprises implantées dans le département breton des Côtes d’Armor, auraient été victimes d’une tentative d’escroquerie de la part d’un gérant de société de transport. Au total, ce dernier leur devrait plus de 650 000 euros.

Des loyers impayés, un débiteur introuvable et une situation qui dure grâce à une multiplication de procédures judiciaires : voilà l’escroquerie présumée que dénoncent plusieurs dirigeants d’entreprises implantées dans les Côtes d’Armor. Dans la plupart de ces affaires, le gérant soupçonné d’escroquerie a procédé de manière similaire : « Il loue des bâtiments pour ses activités, signe les baux puis un jour il arrête soudainement de payer, fait le mort puis il vous attaque… », a expliqué au journal local Le Penthièvre le dirigeant de la SCI Sovimmo, qui est aussi un entrepreneur réputé dans le paysage économique briochin.

Il avait accepté de louer un espace de 8 000 m² à cette entreprise de transport. Au cours de l’été 2019, le locataire a cessé de payer son loyer. Puis, comme il était devenu introuvable, le bailleur a fini par couper l’électricité dans ce local ; mais il a dû la rétablir à la suite d’une attaque en justice. Le mauvais payeur invoquait alors plusieurs motifs : des trop perçus, l’insalubrité des locaux, et enfin des menaces de mort – autant d’accusations fermement démenties par le loueur.

Une mécanique bien rodée

Mais le gérant de l’entreprise de transport n’en est a priori pas à son coup d’essai. En effet, d’autres chefs d’entreprises auraient subi des escroqueries du même acabit, souvent pour des montants de l’ordre de plusieurs de dizaines de milliers d’euros : le propriétaire d’un important parc foncier dans l’espace industriel plaintelais, celui d’un emplacement dans la zone d’activité de l’Espérance à Quessoy, le dirigeant de la société civile immobilière du Freche (pour des locations en 2018), un loueur de véhicules de Plélan-le-Petit, ou encore un dirigeant de BM Assurances à Saint-Brieuc sont au nombre des victimes présumées.

Dans toutes ces affaires, le mode opératoire est similaire. D’abord, l’homme devient injoignable en transférant le siège social de son entreprise à Paris avec pour seule adresse, une simple boîte aux lettres. Tout courrier recommandé revient donc systématiquement à l’expéditeur. En parallèle, il enclenche des procédures judiciaires contre les chefs d’entreprise avec des motifs allant de la réclamation de trop perçus (en invoquant par exemple une confusion entre loyer mensuel et annuel) à une simple faute de frappe dans un contrat. Grâce à ces attaques en justice, les dossiers se multiplient et la situation perdure.

Face à l’accumulation de témoignages, les gérants concernés envisagent désormais d’intenter une procédure commune.

Les PME : des cibles vulnérables

Le cas du dirigeant de la société BM, est intéressant car il concerne un projet d’investissement commun de 6 millions d’euros proposé par le dirigeant soupçonné d’escroquerie. Il évoque une avance de 70 000 euros et les frais d’assurance. Or après avoir reçu cette avance, l’homme n’aurait plus donné de signe de vie. Contacté, il nie en bloc, affirme ne pas même connaître le dirigeant de BM Assurances alors qu’ils se seraient rencontrés une trentaine de fois, ni n’avoir jamais perçu une telle somme.

Cet argent ne sera donc probablement jamais récupéré. Cependant, la situation aurait pu tourner à la catastrophe pour le patron breton si le partenariat avait été acté, car c’est son entreprise elle-même qui aurait alors pu devenir victime des agissements du partenaire douteux.

Les dirigeants d’entreprise doivent aujourd’hui comprendre que lorsqu’ils s’associent en affaires avec un tiers (un client, un fournisseur, un intermédiaire ou un distributeurs par exemple), tout acte répréhensible commis par ce dernier risque de rejaillir sur leurs propres activités pré-existantes. S’il commet un impair ou se rend coupable d’actes illégaux, il s’expose alors en effet aux conséquences financières et judiciaires que cela peut entraîner et, par là même, il menace aussi les intérêts de chacun de ses partenaires, tous susceptibles d’êtres directement ou indirectement atteints, et affaiblis par des rumeurs négatives.

Evaluer l’intégrité de ses tiers pour se protéger

Le risque d’une « mauvaise rencontre » n’existe donc pas seulement à l’international. Il est indispensable de le prendre également en compte à l’échelle du territoire local, départemental ou régional car les conséquences d’une association hasardeuse ou d’un partenariat malencontreux peuvent vite être dramatiques pour une PME. C’est ce qui est arrivé par exemple à la PME normande Pascobois : des actes litigieux supposément commis par l’un de ses principaux revendeurs ont engendré des pertes importantes et menacent l’entreprise de faillite.

Dans le « business de proximité », où les relations d’affaires sont encore souvent régies par la confiance, voire une simple poignée de main, l’évaluation de l’intégrité des tiers demeure malheureusement trop rare. Or la confiance ne supprime en rien la nécessité de contrôler ses partenaires et un dirigeant se doit de savoir avec qui il fait vraiment affaire. Dans les cas ci-dessus, des vérifications rigoureuses réalisées par des professionnels auraient pu révéler l’existence de poursuites en cours avant qu’ils ne s’engagent.

Selon l’enjeu de la relation et le profil de l’interlocuteur, tout partenaire potentiel, même un voisin, devrait donc initialement être considéré comme tiers à risque, et, le cas échéant, faire l’objet des vérifications requises avec tout le sérieux qui s’impose. Il en va de la protection raisonnable de l’entreprise. La due diligence d’intégrité, c’est la bonne pratique à adopter pour écarter un risque parfois insoupçonné, souvent mal estimé et toujours d’une dangerosité redoutable pour les PME.

Sources :

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Brune Lange

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