Conformité

France : pourquoi les PME et ETI devraient aussi respecter la loi SAPIN 2 (même si elles n’y sont pas soumises)

Les entreprises françaises ont encore d’importants progrès à faire en terme de dispositifs anticorruption selon l’AFA

Dans un diagnostic récent, l’AFA (Agence Française Anticorruption) dresse un bilan des avancées en matière de dispositifs anticorruption dans les entreprises françaises. L’objectif de cet état des lieux est de mieux apprécier et comprendre la prise en main de la lutte anticorruption par les entreprises depuis 2016, qu’elles soient soumises ou non aux obligations de conformité de la loi Sapin 2. Pour mémoire, ces mesures sont obligatoires pour les entreprises qui emploient au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaire est supérieur à 100 millions d’euros.
La loi leur impose notamment d’adopter un code de conduite prohibant la corruption, un dispositif d’alerte interne pour recueillir les signalements, une cartographie des risques régulièrement mise à jour, l’évaluation de leurs tiers, des procédures de contrôle comptables dédiées, un dispositif de formation pour les personnels exposés aux risques, un régime de sanction et un dispositif de contrôle des mesures mises en œuvre

Quatre ans après sa mise en œuvre, ce rapport de l’AFA tire des enseignements  globalement similaires à ceux issus d’une autre étude récente, le 3ème baromètre Grant Thornton (que nous avons rapportées ici) : les entreprises françaises ont fourni des efforts réels, mais encore insuffisants.

Plusieurs axes d’amélioration selon l’AFA

70% des entreprises ont en effet mis en place un dispositif de lutte anticorruption, dont près de la moitié à la suite de la loi Sapin 2. Dans leur ensemble, les entreprises ont d’ailleurs le sentiment de bien maîtriser le sujet. Mais le risque de corruption est de facto souvent sous-estimé* (voir plus bas), et les réponses apportées demeurent insuffisantes en cas de corruption avérée. Au cours des cinq dernières années, 22% des entreprises françaises ont ainsi été confrontées à des cas de corruption. Parmi elles, la moitié seulement a engagé des procédures disciplinaires contre les personnes responsables. Et même si toutes ces procédures ont de fait abouti à une sanction disciplinaire, seulement 20% d’entre elles ont accompagné la sanction disciplinaire d’une plainte pénale.

Le rapport met aussi en évidence certaines des lacunes majeures qui peuvent particulièrement exposer ces entreprises aux risques de corruption, comme la cartographie des risques et l’évaluation des tiers.

Parfois, les entreprises ont déployé un dispositif a priori conforme, mais sur le terrain l’exécution laisse à désirer. Souvent, le problème est lié à un manque de sensibilisation à certains niveaux hiérarchiques : une partie du personnel manque d’informations sur le sujet, et ne sait donc pas bien repérer les risques de corruption.

Pour être plus efficaces en la matière, les entreprises gagneraient à se doter d’un responsable conformité pour piloter le dispositif, et avoir une vision d’ensemble des risques et de la stratégie à implémenter. A l’heure actuelle, plus de la moitié des organisations confient encore cette nouvelle responsabilité à des managers en charge d’autres fonctions au sein de l’entreprise, comme le directeur juridique ou le directeur de l’audit interne. Et même quand elles disposent d’un responsable conformité dédié, on observe souvent que ce dernier n’est pas assez impliqué dans les décisions stratégiques de l’entreprise. Les dirigeants risquent alors de prendre leurs décisions avec une vision partielle des dangers encourus.

Des risques bien réels pour les PME et les petites ETI

Parallèlement, on observe que, puisque les PME et petites ETI ne sont pas formellement soumises aux obligations de conformité de l’article 17 de la loi Sapin 2 (voir périmètre plus haut), leurs dirigeants pourraient être amenés à penser que ces mesures de conformité sont accessoires à leur niveau.

Ce serait oublier qu’une PME est susceptible d’être évaluée à tout moment par un partenaire commercial (un grand groupe client ou fournisseur, ou l’une de ses filiales par exemple) soumis lui-même directement aux obligations légales Sapin 2. Dans ce cas, si des faits de corruption sont avérés, ou parfois juste soupçonnés, les conséquences financières, commerciales et humaines peuvent être dramatiques pour les petites et moyennes entreprises. Ce danger est d’autant plus important pour une entreprise active et exposée à l’international, qui est alors susceptible d’être également mise en cause par une autorité étrangère.

Et les enjeux ne s’arrêtent pas aux risques encourus en cas de contrôle positif : le dispositif anticorruption devient aussi désormais un véritable atout commercial pour les PME, un argument de vente. Leurs dirigeants doivent comprendre que, même lorsque leur entreprise n’est pas directement concernée par la loi Sapin 2, cette dernière les atteint par un effet de « ruissellement », ne serait-ce que parce qu’elle affecte leurs donneurs d’ordres. Les décideurs d’entreprises soumises aux contraintes réglementaires Sapin 2 se montrent en effet de plus en plus intransigeants vis-à-vis de leurs tiers. Ils tendent à exiger d’eux les mêmes standards de conformité que ceux qui leur sont imposés. Ils n’hésitent plus, à proposition équivalente, à favoriser dans leurs arbitrages les interlocuteurs les plus « conformes ». Dans un avenir proche, l’existence chez un fournisseur ou un prestataire d’une politique anticorruption opérationnelle va se généraliser en tant que un critère-clé pour la sélection d’un nouveau partenaire par un commanditaire.

Et maintenant ? Aux dirigeants d’agir

Or, dans les faits, les PME et ETI françaises accusent un véritable retard dans le déploiement du dispositif de prévention. Parmi celles qui ne sont pas assujetties à la loi Sapin 2, près de la moitié n’a par exemple jamais abordé le thème de la corruption avec ses employés au cours des six derniers mois. Et plus d’un quart d’entre elles ne prend pas en compte le risque de corruption dans les procédures de recrutement, d’appel d’offres ou de fusion-acquisition. Notons aussi que les PME et petites ETI non assujetties sanctionnent beaucoup moins les auteurs de faits de corruption : au cours des cinq dernières années, seules 26% d’entre elles ont engagé des procédures disciplinaires, contre 67% des entreprises assujetties. Et pourtant malgré ces déficiences, ces entreprises non assujetties affirment bien connaître le phénomène et ses conséquences…

S’ils veulent être à la hauteur des nouveaux enjeux de la lutte anticorruption, les dirigeants de PME et d’ETI doivent donc insuffler une véritable culture de la prévention active en interne au sein de l’entreprise. Se limiter à diffuser une charte de bonne conduite ne suffit plus : l’efficacité passe par des mesures concrètes comme celles listées plus haut, et par un engagement permanent des dirigeants pour promouvoir l’intégrité dans la conduite des affaires.

Note

(*) Si vous pensez bien connaître les atteintes à la probité, l’AFA propose ce quiz pour vérifier vos connaissances, à partir d’exemples de cas de corruption au sein du service public.

Sources

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Brune Lange

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