En 2003, mon associé dans le fonds « DFJ Frontier Venture Capital» a identifié une start-up technologique extrêmement intéressante. Cette opportunité d’investissement semblait incroyable et nous étions tous les deux enthousiastes.
L’entrepreneur était l’un des vendeurs les plus charismatiques que nous n’ayons jamais rencontrés. Il nous avait complètement convaincus par sa vision, son énergie et sa conviction. Nous pensions qu’il était prêt à déplacer des montagnes pour atteindre ses objectifs.
Nous avons donc immédiatement entamé notre processus de due diligence, qui incluait les étapes suivantes :
Notre objectif était bien sûr d’évaluer les principaux risques pour la start-up : risque de marché, risque technologique, risque de financement et risque humain.
A ce stade, la vigilance est utile pour décider comment gérer la relation avec l’entrepreneur, comment fixer le prix de l’opération et, probablement le plus important, s’il convient ou pas de réaliser l’investissement.
Comme l’entreprise était encore très jeune, nous avons interrogé des membres du conseil d’administration de l’ancienne start-up ou travaillait le CEO. Certaines des références nous ont été fournies par ce dernier, d’autres étaient des relations de certains de nos amis qui connaissaient la cible.
Ces entretiens furent un vrai choc pour nous.
La quasi-totalité des références contactées nous ont dit qu’elles ne faisaient pas confiance au CEO. Qu’il était très beau parleur, convaincant et vraiment visionnaire, mais qu’il était aussi souvent coupable de cacher la vérité. Les mauvaises appréciations sont assez inhabituelles dans le domaine du capital-risque. En général, quand quelqu’un n’a rien de gentil à dire, on ne dit rien de tout cela. C’était donc un signe particulièrement alarmant.
Nous avons essayé de nous convaincre que le CEO avait peut-être appris de son expérience antérieure. Mais finalement, nous avons décidé, après mûre réflexion, que nous étions en train de nous fourvoyer. Nous ne pourrions pas regarder nos partenaires investisseurs dans les yeux si quelque chose se passait mal, et nous devions malheureusement laisser passer cette occasion.
Quelques années plus tard, nous avons appris qu’une entreprise appartenant au classement du Fortune 500 avait acquis cette start-up. Un prix d’acquisition initial à 9 chiffres a été annoncé. Mais l’accord comprenait un complément de prix pouvant aller jusqu’au milliard de dollars.
J’ai tout de suite senti ma gorge se serrer de m’être si fortement trompé. Au lieu de protéger nos partenaires investisseurs et notre fonds d’investissement, notre processus de due diligence « stricte » et notre volonté de respecter les règles nous avaient empêché de réaliser un retour sur investissement substantiel.
Mon partenaire m’a appelé dès qu’il a vu le communiqué de presse. Tout comme moi, il était bouleversé. Nous avons même calculé le retour sur investissement que nous aurions pu offrir à nos partenaires investisseurs si la société avait réalisé cette plus-value d’un milliard de dollars… Et nos estomacs ont commencé à se nouer. En plus de laisser tomber nos partenaires investisseurs, nous étions passés à côté de l’affaire du siècle.
Même si c’était une décision collective, je me sentais personnellement responsable de cette erreur de jugement. Je me suis même excusé de nous avoir fait perdre cette énorme opportunité. J’ai ensuite expliqué que nous nous en étions tenus à notre processus et que nous avions pris la meilleure décision possible au nom de nos investisseurs, compte tenu des informations dont nous disposions.
C’est avec un sentiment de culpabilité de n’avoir pas su saisir cette occasion, que j’ai avancé dans les années qui ont suivi. J’ai également appris ce jour-là qu’une longue carrière dans le capital-risque se déroule rarement sans quelques regrets.
Toujours est-il que, cinq ans plus tard, je discutais avec une relation en charge du département M&A pour l’entreprise du Fortune 500 ayant acheté la start-up. Comme par hasard, le nom de l’entreprise a surgi dans la discussion. Mon ami s’est montré un peu nerveux, il a élevé la voix tout en parlant plus vite. « Tu as eu de la chance ! » m’a-t-il dit. Il s’avère que cette opération était une véritable arnaque.
L’acquéreur avait mis fin à l’activité, et l’acquisition elle-même se révélait un échec. Bien sûr, le « earn-out » n’avait pas été atteint.
Mais ce que mon ami m’a dit ensuite restera gravé dans ma mémoire aussi longtemps que je serai actif dans le domaine du capital-risque. Il m’a dit ceci :
« Aucun des conseillers et analystes qui ont travaillé sur cette affaire et qui nous ont vendu cette start-up ne travaillera plus jamais avec notre entreprise, de quelque manière que ce soit, durant toute leur carrière. »
J’admets avoir ressenti un certain sentiment de revanche sur le coup. Mais plus que tout, j’ai été soulagé de constater que notre processus de due diligence ne nous avait pas trahis.
Le capital-risque doit se concevoir sur le long terme, et notre réputation représente ce que nous avons de plus précieux.
Quant à la start-up que nous avions laissée filée, elle jouait un jeu à court terme en essayant de gagner de l’argent rapidement. Ce faisant, elle avait ruiné la réputation de toutes les personnes impliquées dans cette affaire. Nous avions vraiment évité le pire en respectant à la lettre notre processus strict de due diligence.
Ce que j’ai retenu de mes expériences passées, c’est que la due diligence est la meilleure façon pour un investisseur de comprendre les principaux risques d’un accord avant de s’engager dans une relation à long terme. Une autre leçon est l’importance majeure des entretiens, confidentiels ou pas, à mener avec les tiers ayant travaillé avec le sujet. C’est même la partie cruciale dans un processus de due diligence.
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Cet article a été traduit par Jean-Charles Falloux & Franck Métay et republié avec l’autorisation de Scott Lenet, Co-Fondateur de Touchdown Ventures et de DFJ Frontier Venture Capital, professeur adjoint à l’USC et à l’UCLA, père de jumeaux, Philly sports Phan, collaborateur de Forbes et auteur du blog thinkgrowth.org.
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