Vu des Etats-Unis : avec qui faites-vous vraiment affaire en Chine ?

En Chine évaluer l'identité des actionaires conformité avec fcpa faire une Due Diligence article de Thomas Fox
L’actionnariat des entreprises chinoises demeure très opaque

L’identité des propriétaires d’une entreprise en Chine est rarement transparente : pour une approche pragmatique, partez du principe que l’entreprise appartient à l’État chinois ! Thomas Fox met en exergue dans ce billet certaines directives du FCPA particulièrement prégnantes pour les entreprises qui ont des relations d’affaires avec la Chine.

Pourquoi est-il important de réaliser une due diligence sur chaque tiers avec qui vous contractez ? Pourquoi est-ce crucial de savoir si une entreprise est détenue ou contrôlée par un gouvernement étranger ou un parti de gouvernement ? … Tout simplement car, en vertu du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), il s’agit dans ce cas de « personnalités politiquement exposées ». Et toute entité américaine qui verse des pots-de-vin à ces personnes viole le FCPA. Ce point prend toute son acuité en Chine où des événements récents ont démontré à quel point il est difficile de savoir si la personne avec qui vous faites affaire est « exposée » politiquement.

Qui possède Huawei ?

Récemment, le journaliste Raymond Zhong a traité ce sujet dans un article du New York Times (NYT) intitulé « Who Owns Huawei ? The Company Tried to Explain. It Got Complicated« . Il y développe des arguments intéressants qui expliquent pourquoi la propriété des entreprises en Chine se révèle si nébuleuse, pourquoi toute entreprise américaine active sur place doit partir de l’hypothèse que toute société chinoise est détenue ou a minima contrôlée par le gouvernement chinois. Et donc que toute transaction commerciale en Chine est potentiellement soumise au FCPA.

Zhong commence par citer un récent discours de Jiang Xisheng, secrétaire en chef du conseil d’administration de Huawei, à l’attention d’un petit groupe de journalistes. L’objectif en était d’expliquer la structure et la gouvernance de l’entreprise après que deux chercheurs américains aient rédigé un rapport accusant Huawei de malhonnêteté à ce sujet. Selon Zhong l’explication de M. Jiang se résumait à ceci « Huawei appartient à un syndicat dont le rôle est de solliciter des dons des employés lorsque, par exemple, leurs collègues ont des problèmes de santé. Le syndicat supervise également le club de basket-ball de l’entreprise. »

Le grand ouvrage bleu, référent ultime

C’est aussi simple que cela : l’une des plus grandes entreprises de matériel informatique du monde appartient à ses employés, un peu comme un bon vieux dispositif d’actionnariat salarié. Le moment où cela est devenu vraiment croustillant, c’est lorsque Huawei a ensuite présenté aux journalistes ce qu’elle décrit comme la preuve de son indépendance : un grand ouvrage bleu, placé sous verre et sous scellés dans une salle blanche anodine au siège de la société à Shenzhen, une grande ville du Sud de la Chine. On peut y trouver dit-on les noms de tous les employés de Huawei qui détiennent des « actions fictives restreintes » de l’entreprise (« restricted phantom shares »). La preuve irréfutable, selon la compagnie, que le gouvernement chinois ne possède aucune participation dans la société.

Quiconque croit cela devrait se rendre directement à l’asile sans même passer par la case départ… « Le syndicat n’a aucune influence sur les activités commerciales de l’entreprise », a poursuivi M. Xisheng. « Toutefois, il supervise les activités de loisirs après le travail de ses employés. Le club de basket, par exemple, et aussi les clubs de badminton et de tennis de table aussi ».

Une mauvaise foi implacable face à la controverse

Tout cela bien sûr alors que le syndicat est enregistré auprès du syndicat de la municipalité de Shenzhen et paie assidûment ses cotisations. « Le syndicat municipal n’a aucune influence sur les activités du syndicat de Huawei ou de l’entreprise » rajoute pourtant M. Jiang. Et cela va de soi également : puisque le syndicat n’a aucune influence sur l’entreprise, il n’est pas nécessaire de formaliser des documents aussi compliqués que les procès-verbaux des réunions du conseil d’administration, ni de se plier aux autres pratiques réglementaires qu’une véritable société se doit de respecter.

Ces obstructions et ce double discours de la part de Huawei interviennent suite à la publication du rapport « Questioning Huawei’s ownership » rédigé par Christopher Balding, professeur à l’Université Fulbright au Vietnam, et Donald C. Clarke, expert en droit chinois à l’Université George Washington. Selon les 2 chercheurs, le programme d’actions virtuelles de Huawei « n’a rien à voir avec le financement ou le contrôle de l’entreprise ». C’est un simple « système de participation aux profits, purement incitatif « . La question demeure donc intacte : si vous signez un contrat avec Huawei, avec qui vous engagez-vous ?

Jack Ma : une personnalité politiquement exposée ?

Alors allons un peu plus loin : dans un autre article du NYT, intitulé « Jack Ma, China’s Richest Man, Belongs to the Communist Party. Of Course« , la journaliste Li Yuan écrit que le Parti communiste chinois lui-même avait identifié Ma comme membre du parti. Le fondateur et président exécutif du groupe Alibaba, qui est aussi l’homme le plus riche de Chine, est membre du prolétariat et possède sa carte du parti. En novembre dernier, le quotidien populaire officiel du parti a d’ailleurs inclus le capitaliste le plus en vue du pays, dans sa liste des 100 Chinois ayant apporté des contributions extraordinaires au développement du pays au cours des 40 dernières années ». On l’entendrait ainsi presque chanter : « Travailleurs du monde, unissez-vous ! Vous n’avez rien d’autre à perdre que vos chaînes. »

De toute évidence, Ma, en tant que membre du Parti, doit donc être considéré comme une personne politiquement exposée en vertu des règles du FCPA. En effet, pour le besoin de la loi, le FCPA assimile expressément les politiciens, les partis politiques et les candidats à des charges politiques dans un pays étranger à des fonctionnaires de ce pays. Les lignes directrices du FCPA 2012, stipulent d’ailleurs que « les dispositions anti-corruption du FCPA s’appliquent aux paiements versés à (1)  » tout fonctionnaire étranger  » , (2)  » tout parti politique étranger ou son représentant « , (3)  » tout candidat à une fonction politique étrangère  » ou à (4) toute personne, sachant que tout ou partie du paiement sera offert, donné ou promis à une personne appartenant à l’une des trois premières catégories. Bien que la loi établisse une distinction entre les notions de « fonctionnaire étranger », de « parti politique étranger ou un de ses représentants » et de « candidat à une fonction politique étrangère », le terme « fonctionnaire étranger » utilisé dans le document désigne généralement une personne appartenant à l’une de ces trois catégories.

Ce que dit le FCPA

En complément, les politiciens et les partis politiques sont aussi inclus au périmètre FCPA par le biais des dispositions comptables du FCPA, comme précisé dans les directives qui suivent ; « … les personnes physiques et morales peuvent être tenues directement responsables au civil pour avoir falsifié les livres et registres d’un émetteur ou pour avoir contourné les contrôles internes. La Règle 13b2-1 de l’Exchange Act stipule que « nul ne peut, directement ou indirectement, falsifier ou faire falsifier un livre, un registre ou un compte assujetti à la disposition sur les livres et registres de la Securities Exchange Act ».
L’article 13(b)(5) de l’Exchange Act -15 U.S.C. § 78m(b)(5) – enfonce le clou en disposant que « nul ne peut sciemment contourner ou omettre sciemment d’appliquer un système de contrôles comptables internes ou falsifier sciemment un livre, registre ou compte ». L’Exchange Act définit d’ailleurs le terme « personne » comme étant une personne physique, une société, un gouvernement ou une subdivision politique, un organisme ou un instrument d’un gouvernement ».

Une question à choix unique

L’opacité des structures d’entreprise chinoises va ainsi bien au-delà de l’image que l’on se fait de l’Extrême-Orient impénétrable. Lorsque l’on se heurte à des réponses comme celles de Huawei, il n’y a tout simplement aucun moyen pour une société américaine de connaître précisément la structure de propriété d’une entreprise chinoise. Et par ricochet, d’évaluer s’il est légal ou pas de commencer à développer une relation d’affaire avec de telles entités… Bien entendu, le fait de croire qu’il n’y a pas de contrôle gouvernemental, de propriété ou d’appartenance à un parti peut aussi mener à une violation du FCPA.

Cet article a été traduit par Jean-Charles Falloux et Franck Métay et republié avec l’autorisation de Thomas Fox, auteur du FCPA Compliance and Ethics Blog.

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