À l’heure où la compliance anticorruption devient une préoccupation majeure pour les organisations, nous avons jugé utile de consacrer un article à la norme ISO 37001, une certification des « systèmes de management anti-corruption » de plus en plus recherchée par les entreprises. 1 000 l’ont à ce jour obtenue dans le monde.
Cette norme a été créée en 2016 par l’Organisation internationale de normalisation (ISO), dont le but consiste à produire des normes à l’échelle mondiale – les célèbres « normes ISO ». Reconnue par 163 pays, elle est aujourd’hui le seul véritable standard anticorruption à l’international.
L’ISO 37001 définit ainsi un certain nombre de critères qu’une entreprise doit satisfaire pour que son dispositif anticorruption soit considéré comme a priori efficace. Cette norme ne certifie donc pas un produit, mais l’organisation elle-même, à l’instar des normes de systèmes de management comme l’ISO 9001 sur le contrôle de la qualité des produits, ou l’ISO 14001 sur le respect des règles environnementales.
Le système proposé par la norme est conçu pour être applicable dans n’importe quel pays, et peut être mis en place de manière autonome ou intégré à un système de management global. Il peut être adopté par tout type d’organisation, publique ou privée, quelle que soit sa taille.
Pour être certifiée ISO 37001, l’organisation doit mettre en place une série de mesures : cartographie des risques, adoption d’une politique anticorruption, désignation d’une personne chargée de superviser la mise en œuvre de cette politique, formation des salariés, évaluation des risques relatifs à certains projets ou partenaires commerciaux, déploiement de contrôles financiers et commerciaux, création de procédures de signalement et d’enquête interne…
En réalité, tous ces critères sont très similaires aux exigences définies par l’article 17 de la loi Sapin 2.
Pour les sociétés françaises de plus de 500 employés et d’un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros, la mise en place des mesures susmentionnées est donc déjà obligatoire sous l’égide de l’Agence Française Anticorruption (AFA). Ces entreprises pourraient alors être amenées à considérer la certification ISO 37001 comme une démarche rendue inutile par sa redondance avec la loi Sapin 2. Et en théorie, elles n’auraient pas tort.
Mais au-delà de la procédure en elle-même, il y a au moins deux avantages à effectuer cette démarche. D’abord, la certification ISO 37001 n’est accordée qu’au terme d’un audit mené par un organisme tiers certificateur (l’AFNOR, Eurocompliance ou encore Bureau Veritas par exemple). Grâce à cet audit externe, la certification peut donc jouer le rôle d’un garde-fou supplémentaire, permettant de repasser les procédures au peigne fin et de s’assurer que les risques ont bien été analysés.
Ensuite, contrairement aux obligations Sapin 2, la démarche de certification 37 001 est lancée à l’initiative de l’entreprise. Se faire certifier peut donc être un moyen de montrer que l’entreprise est prête à aller plus loin que les exigence légales pour lutter contre la corruption. C’est le cas par exemple de la société Thales, qui a annoncé en 2021 être devenue la « première entreprise de son secteur à être certifiée ISO 37001 ». Pour le constructeur, dont la réputation a été entachée par plusieurs scandales de corruption (l’affaire des frégates de Taïwan, affaire du tramway de Nice, affaire Zuma…), se faire certifier est aussi un moyen de faire peau neuve.
L’entreprise ne se prive d’ailleurs pas de communiquer à ce propos. Selon les mots de Patrice Caine, PDG de Thales « la certification de Thales à la norme ISO 37001 témoigne de la mise en place d’un dispositif de conformité exigeant, reflet de l’engagement et la détermination de l’ensemble du Groupe dans la lutte contre la corruption. » peut-on lire sur le site internet de l’entreprise.
On retrouve ce cas de figure pour d’autres entreprises, comme Alstom, qui, après une série de revers judiciaires ces dix dernières années, a obtenu la certification mondiale en 2019. Parmi les entreprises françaises qui ont obtenu leur certification ces dernières années, on peut également citer le Crédit Agricole, le groupe Saur, l’entreprise Naval Group ou encore… Systra qui vient pourtant tout juste de signer une CJIP de 7,5 millions d’euros pour des affaires de corruption en Asie Centrale intervenues entre 2009 et 2013. Il est d’ailleurs intéressant de noter à ce sujet que la procédure n’exige pas ici de programme de mise en conformité alors que c’est souvent le cas. Sans doute la certification ISO 37001 de l’entreprise a-t-elle joué un rôle dans cet aspect de l’accord.
Pour des entreprises qui veulent éviter d’être discréditées par des soupçons ou des affaires de corruption, la certification peut donc être une aubaine. Notons d’ailleurs que la course à cette certification ne concerne pas que le secteur privé : en juin 2021, la Région Île-de-France a elle aussi obtenu la certification ISO 37001.
Mais l’intérêt d’une telle certification est peut-être encore plus important pour les PME comme pour certaines ETI qui ne sont pas encore assujetties aux obligations Sapin 2.
Nous avons montré précédemment à l’occasion d’un précédent article, que même lorsqu’une entreprise n’est pas assujettie à la loi Sapin 2, elle a tout intérêt à agir comme si elle l’était. Quelle que soit sa taille, une entreprise est susceptible d’être évaluée par un partenaire commercial – par exemple, pour un grand groupe client qui serait lui-même soumis aux exigences Sapin 2, la qualité du dispositif anticorruption peut devenir le critère décisif qui le motive à choisir un fournisseur plutôt qu’un autre. Et c’est précisément là que la certification ISO 37001 peut représenter un avantage concurrentiel décisif.
En se faisant certifier ISO 37001, les entreprises professent leur engagement contre la corruption aux yeux de leurs potentiels partenaires commerciaux. La fondatrice de la PME Acte International, spécialisée dans le Supply Chain Management, explique par exemple que la certification a permis d’augmenter le pouvoir et l’efficacité de sa communication à l’égard de ses clients et de ses fournisseurs.
On peut donc s’attendre à ce que dans les prochaines années, les PME et ETI rejoignent aussi la course à la certification ISO 37001, comme moyen de créer un lien de confiance avec de potentiels partenaires commerciaux, investisseurs ou actionnaires.
ISO
Grands Groupes
PME / ETI
La CJIP fait suite à un signalement Tracfin pour des faits survenus au Gabon dans…
Prévu en 2025, le procès de Lafarge, désormais filiale d'Holcim, sera sans précédent dans l'histoire.…
Anticor est devenue en 20 ans un acteur incontournable dans la lutte anticorruption en France…
Outre la parution du guide dédié aux fédérations sportives, l'AFA a diligenté un contrôle de…
Les lois anticorruption préventives touchent désormais à la sphère d'influence du Commonwealth Depuis une dizaine…
Ces faits de corruption sont intervenus en Libye (2006-2008) et à FujaÏrah aux E.A.U. (2011-2013)…
View Comments