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Crise COVID-19 : maîtriser l’évaluation des fournisseurs tout au long de la supply chain

La supply chain et la crise de la Covid19

L’apparition soudaine de la COVID-19 et sa propagation continue et imprévisible ont changé le monde à bien des égards. Alors que de nombreux pays se confinaient ou fermaient les frontières pour lutter contre une contamination générale, leurs économies se sont effondrées. Les chaînes d’approvisionnement internationales entre les continents ont été amenées à s’adapter à une perturbation généralisée sans précédent de l’offre et de la demande. D’un côté, l’appétit pour certains produits de consommation courante a diminué, tandis que de l’autre, la demande pour des produits plus inattendus a explosé, entraînant dans son sillon des contraintes et pénuries sur l’ensemble de la « supply chain » mondiale. Nombre de ces changements imposés par les circonstances deviendront d’ailleurs probablement permanents.

Parmi les informations inédites révélées dans le rapport réalisé par Resilience360 et le Business Continuity Institute, l’une a particulièrement retenu notre attention : nous nous sommes focalisés sur la manière dont cette pandémie allait modifier à court et moyen termes les politiques d’évaluation des fournisseurs mises en place par les entreprises tout au long de leurs circuits d’approvisionnement.

Nous avons ainsi relevé 3 tendances de fond présentées ci-après.

La pandémie a révélé le besoin d’étendre les diligences aux fournisseurs de rangs 2 et 3, parfois au-delà

Autant la majorité des entreprises sondées avait jusqu’ici mis en place des politiques de due diligence robustes dans divers domaines (intégrité, géolocalisation, RSE, obtention des plans de continuité des activités, etc) afin d’évaluer leur portefeuille de fournisseurs de rang 1, autant les fournisseurs de rang 2 et plus, c’est-à-dire les fournisseurs de leurs fournisseurs, n’ont pas fait l’objet de telles évaluations.

Or, la pandémie a révélé l’importance cruciale de mieux connaître ses fournisseurs : dans un contexte d’incertitude quant au niveau d’ouverture des frontières, il devient crucial de savoir où se situent, par exemple, les fournisseurs de vos fournisseurs, et d’anticiper ainsi une possible crise en prévoyant des circuits alternatifs ou autres plans-B. Pour citer quelques chiffres, seules 36% des entreprises sondées connaissent l’emplacement géographique de tous leurs fournisseurs de rang 2. Et seulement 12% d’entre elles ont déclaré avoir mené des due diligences pour le rang 4, et 11% pour le rang 5 et au-delà. Le manque de personnel et de ressources financières étant bien entendu la principale raison de cette situation.

Ceci étant, en venant perturber les chaînes d’approvisionnement des fournisseurs de leurs fournisseurs, cette pandémie a clairement révélé le besoin d’étendre les due diligences au-delà des partenaires de rang 1. C’est particulièrement vrai pour ceux qui sont fortement dépendant de l’Asie pour leurs intrants.

Plus de 50% des entreprises ont l’intention de diversifier leur base de fournisseurs, surtout aux dépens de l’Asie

Désormais, les entreprises veilleront particulièrement à éviter de trop dépendre d’une zone géographique unique. Un grand nombre de fabricants européens, par exemple, importaient d’Asie la quasi-totalité de leurs composants : ce manque de diversification s’est soldé par de graves problèmes d’approvisionnement. Face à ces faiblesses mises en lumière par la COVID-19, 57,2 % des entreprises sondées cherchent donc aujourd’hui à diversifier leur base de fournisseurs.

Pour de nombreuses organisations, cela signifie réduire leur dépendance à l’égard de l’Asie. 29,9% d’entre elles comptent réduire la part de leur approvisionnement venant d’Asie, et 13,2% celle venant de Chine. Les secteurs les plus dépendants de l’Asie, comme l’automobile, la technologie ou la santé, seront sans doute les plus enclins à se diversifier.

En parallèle, il est probable qu’on assiste à un retour de l’approvisionnement local : 66,2% des organisations prévoient de trouver davantage de fournisseurs locaux suite à la pandémie, et 20,8% comptent faire déménager certains fournisseurs pour les rapprocher géographiquement.

L’outsourcing logistique : une nouvelle tendance post-crise ?

Selon le rapport, 12,4% des entreprises sondées ont l’intention de faire appel davantage à des logisticiens indépendants après la pandémie. Cela leur permettra d’externaliser les coûts importants inhérents à ce type d’activité (gestion des entrepôts, personnels, etc.) qui, en cas de pandémie, constituent plus un risque qu’un atout pour de nombreuses entreprises.

Externaliser la logistique permet donc aux entreprises de s’adapter plus agilement au contexte du marché. Autre avantage, faire appel à un logisticien indépendant épargne à l’entreprise des efforts coûteux pour développer son propre réseau de fournisseurs.

En revanche, pour que cette stratégie s’avère réellement fructueuse pour l’entreprise, il faut bien sûr s’assurer d’un niveau de confiance suffisant en son prestataire logistique, et pour cela le passer au crible de vérifications strictes.

Un impact certain sur les PME et ETI

Les tendances de fonds identifiées ici vont nécessairement influencer la façon dont les PME et ETI procèdent pour évaluer les risques encourus lorsqu’elles contractent avec leurs fournisseurs.

Premièrement, près des deux tiers des entreprises sondées prévoient de procéder à un contrôle préalable plus approfondi de leurs fournisseurs de rangs 2 et supérieurs. Les bonnes pratiques suggèrent d’ailleurs que de telles évaluations aient lieu avant la signature de tout contrat, afin que les entreprises clientes puissent être informées en amont de tout problème potentiel (comme une dépendance excessive à l’égard d’une région géographique particulière, un problème réputationnel, des risques de sanction, etc) avant d’engager un fournisseur. Il faut donc s’attendre à ce que les entreprises non encore soumises à la loi Sapin 2, déploient de véritables politiques de conformité intégrant l’évaluation de leurs fournisseurs afin de répondre aux exigences de leurs donneurs d’ordre.

Deuxièmement, ces mêmes fournisseurs de rang 1 ou 2 vont également devoir diversifier leurs sources d’approvisionnement afin de ne pas dépendre de manière excessive d’une région géographique donnée s’ils veulent garder ce statut de partenaires importants pour leurs principaux clients. Pour devenir ou demeurer le fournisseur stratégique d’un grand compte, il est donc devenu inévitable de diversifier ses propres fournisseurs. En résulte la nécessité de multiplier le nombre de tiers avec lesquels traiter. Logiquement, cela impliquera aussi de les évaluer afin de limiter notamment les risques réputationnels, financiers ou encore de corruption afférents. Et ce en particulier s’ils opèrent dans des zones géographiques sensibles.

Enfin, concernant les PME et ETI qui ont internalisé leur propre chaine d’approvisionnement, la pandémie pointe le fait que cela peut être perçu par leurs clients comme un facteur de risque plutôt qu’un actif. Pour celles qui envisageront alors de confier leur chaîne dispositif logistique à un tiers, cela va nécessairement les conduire à déployer une véritable politique d’évaluation de leur logisticien, aussi bien sur le plan financier que sur celui de l’intégrité par exemple, car les risques encourus peuvent être conséquents.  

Dans la pratique post-COVID-19, les entreprises auront donc davantage de partenaires qu’il faudra impérativement évaluer. Il leur incombera de s’organiser pour procéder à un nombre plus élevé de diligences nécessaires. Sur le plan crucial de l’intégrité, PME et ETI devront se montrer extrêmement vigilantes : la tendance du retour à un approvisionnement plus local elle-même ne signifie pas que les contrôles soient moins nécessaires : à l’échelle locale comme à l’autre bout du monde, la confiance ne supprime en rien la nécessité de contrôler ses partenaires.

Sources

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Jean-Charles Falloux

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