Une filiale turque de Berkshire Hathaway, le conglomérat dirigé par Warren Buffett, est accusée d’avoir violé les sanctions américaines contre l’Iran. La maison-mère vient d’accepter de payer 4,14 millions de dollars en règlement de ces violations présumées.
Le 20 octobre 2020, le groupe basé au Nebraska a signé un accord avec le gouvernement américain afin de régler sa responsabilité civile dans une affaire impliquant l’une de ses filiales étrangères et un tiers iranien. La branche turque d’Iscar, aurait ainsi effectué 144 actes de ventes illégaux dans le cadre du règlement sur les transactions et sanctions concernant l’Iran qui interdit depuis 1995 de vendre ou fournir des biens et services à ce pays. Initié en réponse au développement du nucléaire iranien, ce dispositif interdit aux entreprises américaines tout commerce avec l’Iran ou des tiers iraniens, qu’il soit direct ou indirect, sous peine de lourdes sanctions.
Pépite industrielle
Iscar Turkey est un fabricant d’outils de travail des métaux basé dans la région d’Istanbul. L’histoire récente de l’entreprise rassemble tous les ingrédients d’une « success story ». En 2006, Berkshire Hathaway achète 80% des parts du groupe IMC (International Metalworking Companies), l’entreprise mondiale de produits de travail des métaux qui détient Iscar. Quand Berkshire acquiert les 20% restants en 2013, la valeur de la société a presque doublé. Dans une lettre aux actionnaires, Warren Buffett salue alors la performance de l’entreprise, reconnait sa position privilégiée sur les marchés européens, asiatiques et latino-américain, et la présente comme l’une des sociétés les plus profitables de Berkshire : « c’est une entreprise sans magie, à l’exception de celle insufflée par les personnes qui la dirigent » écrivait-il alors.
Marché iranien, partie de cache-cache et lanceur d’alerte
Mais ce succès est aujourd’hui entaché par la découverte de ces transactions illégales. Entre 2012 et 2016, Iscar Turkey aurait effectué des livraisons d’outils de coupe à deux intermédiaires turcs, sans ignorer que les marchandises seraient ensuite expédiées à un distributeur en Iran, ce dernier comptant le gouvernement iranien parmi ses clients. C’est du moins ce qu’avance le Trésor américain, citant à l’appui différents stratagèmes de la filiale pour que ces transactions échappent à l’attention de la maison-mère. Parmi elles, l’émission de fausses factures, l’utilisation de faux noms de clients et d’adresses e-mail privées, afin de dissimuler ces opérations aux yeux de Berkshire Hathaway. La valeur totale des transactions réalisées s’élèverait à 383 443 dollars.
Les responsables de l’OFAC (Office of Foreign Assets Control) affirment donc que ces ventes étaient connues des dirigeants d’Iscar Turkey. Selon l’OFAC, le directeur général d’Iscar Turkey était convaincu d’une levée imminente des sanctions contre l’Iran, et souhaitait donner une longueur d’avance à l’entreprise en vue de la reprise des échanges. Il a donc fait le pari d’une relation commerciale en commençant par des petits volumes, afin d’être bien positionné pour étendre ses ventes une fois les sanctions levées. Et ce, malgré des nombreuses communications et recommandations de la part de Berkshire sur les sanctions contre l’Iran.
En mai 2016, Berkshire Hathaway a volontairement divulgué ces violations potentielles aux autorités américaines, après avoir reçu l’information d’un lanceur d’alerte anonyme sur les ventes en question. Le groupe a coopéré avec les autorités au cours de l’enquête, et les employés impliqués dans ces transactions ont été licenciés. L’accord passé avec l’OFAC fait mention des « communications répétées » de Berkshire à sa filiale à propos des sanctions contre l’Iran. Mais ces avertissements n’ont pas suffi à garantir le respect des règles par la filiale turque.
L’impératif d’une conformité renforcée
Pour éviter que de tels faits ne se reproduisent, le groupe de Warren Buffett a entrepris dans la foulée un renforcement des procédures de conformité de toutes ses filiales étrangères, et notamment en ce qui concerne les régimes de sanctions. Selon les termes de l’accord, Berkshire s’engage désormais à promouvoir une véritable « culture de la compliance ».
Une fois de plus, cette histoire édifiante pointe la difficulté pour une entreprise internationale de transmettre et faire respecter strictement sa politique de conformité à toutes ses filiales et implantations, à l’étranger en particulier. D’où la nécessité d’une extrême vigilance des dirigeants sur ce plan : cela reste leur responsabilité de mettre en place les dispositifs de suivi et contrôle adéquats.
La CJIP fait suite à un signalement Tracfin pour des faits survenus au Gabon dans…
Prévu en 2025, le procès de Lafarge, désormais filiale d'Holcim, sera sans précédent dans l'histoire.…
Anticor est devenue en 20 ans un acteur incontournable dans la lutte anticorruption en France…
Outre la parution du guide dédié aux fédérations sportives, l'AFA a diligenté un contrôle de…
Les lois anticorruption préventives touchent désormais à la sphère d'influence du Commonwealth Depuis une dizaine…
Ces faits de corruption sont intervenus en Libye (2006-2008) et à FujaÏrah aux E.A.U. (2011-2013)…