Jugements et affaires en cours

Etats-Unis et France : les salariés, laissés pour compte de la justice négociée dans les affaires de fraude ou de corruption

Le DOJ américain privilégie les procédures judiciaires négociées pour leur efficacité

Dans un article publié en décembre 2018, Valérie de Senneville, grand reporter au service « Enquêtes » des Echos, revient sur le cas du traitement réservé aux salariés dans le cadre des accords de justice négociée.

Les procédures judiciaires négociées (DPA pour « Deferred Process Agreement » aux Etats-Unis, CJIP pour « Convention Judiciaire d’Intérêt Public » en France) sont aujourd’hui reconnues comme une véritable avancée à une époque où la judiciarisation des affaires conduit souvent à des délais interminables avant qu’un jugement définitif soit rendu.

Ces procédures permettent à la personne morale qu’est l’entreprise d’éviter un procès long et souvent onéreux, et à l’État de récupérer plus vite le manque à gagner né de la fraude ou de la corruption.

Néanmoins, Valérie de Senneville remarque que cette pratique prend rarement en compte le cas des personnes physiques salariées par l’entreprise, directeurs ou simples collaborateurs, qui se trouvent elles aussi dans le collimateur de l’accusation.

La faute pénale supposée ne peut en effet être supportée que par l’auteur de l’infraction. Cela implique que l’entreprise ne peut négocier ou payer pour ses employés, faute de quoi elle risquerait des poursuites pour abus de bien social.

Aux Etats-Unis comme en France, la protection des employés de l’entreprise ciblée par une enquête pour suspiscion de corruption fait donc rarement partie de la négociation. Ces personnes, dont la plupart n’ont bénéficié d’aucun enrichissement personnel mais ont simplement agi sur ordre de leurs supérieurs, peuvent encourir plusieurs années de prison et doivent parfois payer de fortes amendes.

L’auteure pose alors cette question tout à fait légitime : l’entreprise ne devrait-elle pas dédommager son employé pour l’avoir entraîné dans cette situation périlleuse ?

Il ressort ici une fragilité manifeste du dispositif qui, selon le contexte, peut se révéler à double-tranchant. Cela pourrait devenir un enjeu majeur des cas qui se présenteront dans les années à venir.

Lire aussi : affaire Alstom, « Le piège américain » s’est-il refermé sur la France ?

SOURCE

View Comments

Share
Published by
Jean-Charles Falloux

Recent Posts

  • Risques pays

L’Espagne face au défi de la corruption : la pression européenne s’intensifie

Déjà touchée récemment au plus haut niveau par des affaires de corruption, l'Espagne atteint désormais…

2 semaines ago
  • CJIP

La CJIP Exclusive Networks qui illustre les défis de la compliance sur les marchés asiatiques

Ce cas illustre le risque plus élevé de frictions internes issues d'intérêts divergents sur des…

2 semaines ago
  • Anticorruption

L’Ukraine confrontée à une crise de corruption : quand la société civile oblige le gouvernement à faire marche arrière

En juillet 2025, l'Ukraine a connu une crise institutionnelle majeure dans le cadre de sa…

1 mois ago
  • Risques pays

« Venez nous voir à Dubaï » : la nouvelle offshorisation de la grande corruption

Dubaï et de nouveaux centres financiers mondiaux attirent désormais la finance illicite et l'argent corrompu…

1 mois ago
  • Anticorruption

La CJIP Paprec Group : corruption active d’élus, recel de favoritisme, blanchiment et entente anticoncurentielle

L'affaire PAPREC est représentative des risques qui menacent les interactions entre la filière déchets et…

1 mois ago
  • Anticorruption

Argent sale, blanchiment, crypto-actifs : le Sénat exige une stratégie d’Etat et un plan global coordonné

La commission sénatoriale a émis 50 propositions pour lutter contre la délinquance financière Le 20…

3 mois ago