Alors que La France continue à faire feu de tout bois sur le plan de la lutte contre la corruption, ce notamment à travers l’action de l’AFA, 2024 se sera en parallèle distinguée par un palmarès riche en affaires retentissantes touchant aussi bien les plus hautes sphères de l’État que le monde sportif et les collectivités locales. De l’Élysée aux fédérations sportives en passant par les mairies, retour sur une année qui révèle l’ampleur des défis en matière de probité publique.
Entre poursuites confirmées et condamnations historiques, l’année a été placée sous le signe des grandes affaires d’État. La cour d’appel de Paris a ainsi confirmé les poursuites contre Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée, pour prise illégale d’intérêts dans l’affaire MSC. Le plus proche collaborateur d’Emmanuel Macron est soupçonné d’avoir participé à des décisions concernant cet armateur dirigé par les cousins de sa mère. Si l’intéressé conteste « tout délit », l’association Anticor salue une décision qui met fin aux « nombreuses tentatives d’enterrer le dossier ». Rappelons aussi à ce sujet qu’Anticor a enfin récupéré cette année son agrément du Ministère de la Justice perdu en 2023 et lui permettant de se porter partie civile dans les affaires de corruption, un outil juridique crucial pour son action.
Nicolas Sarkozy a quant à lui vu sa condamnation définitivement confirmée par la Cour de cassation dans l’affaire des écoutes. L’ancien président écope de trois ans d’emprisonnement dont un an ferme sous bracelet électronique, assortis d’une peine d’inéligibilité de trois ans. Cette décision historique touche également son avocat Thierry Herzog et l’ancien magistrat Gilbert Azibert. L’affaire connaît d’ailleurs des développements inattendus avec la mise en examen de Carla Bruni-Sarkozy pour recel de subornation de témoin dans le volet libyen.
A la frontière de ces deux mondes, l’ancienne multi-ministre d’état Michèle Alliot-Marie (Intérieur, Défense, Affaires Etrangères, Justice, Sports…) , et qui fut aux responsabilités sous 3 présidents (F. Mitterrand, J. Chirac, N. Sarkozy), a fait appel de son jugement : début septembre et après 10 ans de procédure, elle a été condamnée à 6 mois de prison avec sursis, pour prise illégale d’intérêts alors qu’elle était alors maire adjointe de Saint-Jean de Luz (Pyrénées Atlantiques).
Dans les Alpes-Maritimes, l’affaire des ports de Menton a défrayé la chronique avec un scandale aux proportions considérables. L’audit de la SPL des ports a révélé plus de 710 000€ de dépenses irrégulières sous la direction de Mathieu Messina, ancien proche du maire. Le détail des malversations présumées donne le vertige : séjours luxueux, facture de 33 000€ pour du caviar et du champagne, achats de citrons à 5,5€ l’unité dans des commerces cogérés par le principal mis en cause. Cette affaire, qui a conduit à la garde à vue de quatorze personnes dont le maire de Menton, pourrait n’être que la partie émergée d’un système plus vaste impliquant plusieurs responsables politiques des Alpes-Maritimes ; l’enquête se poursuit.
Dans l’Hérault, le maire de Marseillan, Yves Michel, a lui été condamné à quinze mois de prison avec sursis et deux ans d’inéligibilité pour avoir favorisé des entreprises liées à sa famille dans l’attribution de marchés publics. Le tribunal a particulièrement insisté sur la « confusion entre intérêt public et personnel » qui caractérise cette affaire. Plus au sud, au Barcarès, le maire Alain Ferrand, surnommé le « Balkany du Sud », s’est retrouvé fin avril en détention provisoire pour des soupçons de corruption dans la gestion des marchés publics des villages de Noël. Son arrestation à l’aéroport de Montpellier avec 40 000€ en liquide a jeté une lumière crue sur des pratiques qui semblaient d’un autre temps.
Débuté au printemps, le procès d’Alain Gardère, ancien préfet de police de Marseille, illustre quant à lui les dérives possibles au sein de la haute fonction publique. Jugé pour corruption et prise illégale d’intérêts, il est accusé d’avoir utilisé ses fonctions officielles en Île-de-France (2012-2016) pour obtenir divers avantages (caisses de vin, places pour des défilés de haute couture, accès VIP à différents établissements, travaux réalisés gracieusement etc.) en échange de différents « services ». Le parquet avait requis une peine exemplaire de quatre ans de prison, dont deux avec sursis, assortie d’une amende de 450 000€, soulignant la gravité de ces comportements venant d’un haut fonctionnaire. Alain Gardère a été condamné fin octobre à 2 ans de prison dont 1 ferme sous bracelet électronique et 250 000 € d’amende. 10 personnes sur les 13 accusées, dont plusieurs édiles franciliens, et deux entreprises ont été condamnés dans cette affaire d’envergure systémique.
Après les affaires sudistes, la moitié nord de l’Hexagone n’est donc pas en reste ; plus récemment, l’ancien maire d’Argenteuil Philippe Doucet (PS) s’est vu infliger 18 mois de prison avec sursis, 20.000 euros d’amende et deux ans d’inéligibilité pour favoritisme et prise illégale d’intérêt dans l’attribution des contrats du journal municipal. Une affaire qui a également conduit à la condamnation d’Alain Assouline, un autre élu PS du Val d’Oise, à 35.000 euros d’amende pour recel de favoritisme.
Après les affaires Altrad/Laporte et Paris Society/France Galop emblématiques des années précédentes, le monde du sport français et ses institutions, très exposés en cette année olympique, n’ont pas été épargnés, au contraire, que ce soit pendant la préparation ou après le grand événement estival.
L’Agence Française Anticorruption (AFA) a épinglé la Fédération Française de Football pour son laxisme en matière de contrôle interne. Si une cartographie des risques a bien été réalisés en 2019, considérée néanmoins comme pour le moins lacunaire par l’AFA, le rapport pointe certaines pratiques opaques : billets en tribune présidentielle distribués sans traçabilité, contrats à plusieurs centaines de milliers d’euros attribués sans procédure, frais de déplacement non encadrés atteignant 19,4 millions d’euros…
Le pilotage du contrat d’entretien de Clairefontaine (1,5 million d’euros annuels) par l’ancien président de la FFF Noël Le Graët illustre particulièrement ces dysfonctionnements. La gestion du partenariat avec Wolkswagen, qui met à disposition de la FFF une flotte d’automobiles, l’attribution des subventions au foot amateur (plus de 100M€ annuels au total) et l’angle mort concernant la Ligue de Football Professionnel (LFP) qui a généré 2,5 milliards d’euros de revenus sur la saison 2022-2023 constituent d’autres sujets d’alerte plus que préoccupants.
La Fédération Française d’Équitation se révèle elle aussi être dans le collimateur, avec un rapport accablant de l’AFA révélant l’absence totale de dispositif anticorruption. Plus inquiétant encore, la Fédération Française de Karaté est secouée par une plainte de treize responsables : ils accusent leur président Francis Didier de corruption et de trafic d’influence dans l’attribution des grades contre l’obtention de votes en faveur de l’élection d’un proche à la présidence alors que lui-même n’est pas en mesure de briguer un nouveau mandat.
Cette multiplication des affaires s’accompagne d’une prise de conscience collective, comme en témoigne l’augmentation de 40% des signalements externes reçus par l’AFA en 2023. Les sanctions prononcées reflètent également un durcissement de la réponse judiciaire, combinant systématiquement peines de prison avec sursis, amendes conséquentes et périodes d’inéligibilité.
Alors que certains dossiers se poursuivront en 2025, notamment le procès libyen en cours de Nicolas Sarkozy, cette année 2024 marque indéniablement un tournant dans le traitement judiciaire de la corruption en France. Elle révèle cependant aussi que malgré le renforcement des dispositifs de contrôle et une vigilance accrue des citoyens, la tentation de détournement des ressources publiques à des fins personnelles reste une réalité préoccupante dans tous les secteurs de la société française.
Sources
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