Anticorruption

Le Corruption Risk Forecast, nouvel outil pour mesurer le risque de corruption

Le CRF s’attache aux causes de la corruption plutôt qu’à sa perception prise en compte par TI.

Pour les professionnels de la conformité, évaluer le risque de corruption dans un pays étranger est une tâche complexe. Par définition, la corruption avance masquée et n’est révélée qu’a posteriori. Plusieurs mesures peuvent cependant aider à dresser un bilan et anticiper le risque d’être confronté à la corruption en s’implantant à l’étranger, comme le célèbre index Transparency International (TI).

À l’index TI vient désormais s’ajouter le Corruption Risk Forecast (CRF), un nouvel outil d’analyse de la corruption mondiale développé par deux organisations à but non lucratif : l’European Centre for Anti-Corruption and State-Building (ERCAS), un centre universitaire d’étude de la corruption basé à Berlin, et le Center for International Private Enterprise (CIPE), un institut affilié à la Chambre de Commerce des États-Unis.

Une analyse multidimensionnelle du risque de corruption

Le CRF présente plusieurs avantages par rapport aux indices de corruption existants. En fournissant des données détaillées sur 120 pays, il fournit des mesures a priori plus précises que l’indice TI. Cette granularité inédite est notamment permise par une focalisation sur les causes de la corruption, plutôt que sur sa perception.

Là où l’indice TI mesure la perception de la corruption par des experts et hommes d’affaires, le CRF évalue la capacité (ou l’incapacité) des gouvernements à contrôler la corruption, en s’appuyant sur 30 indicateurs tangibles. Ces derniers sont sélectionnés pour leur rôle de « facilitateurs » ou de « handicaps » à la lutte anticorruption : transparence fiscale, liberté de la presse, accessibilité des informations sur la propriété foncière, divulgation des concessions minières gouvernementales, adhésion à des traités internationaux….

Par ailleurs, contrairement aux autres indices, le CRF est une mesure prédictive : il vise à fournir aux investisseurs et aux professionnels de la conformité un aperçu des risques de corruption futurs.

Examiner le passé pour anticiper l’avenir

Le constat à l’origine de la méthodologie CRF est celui d’une relative inefficacité des indicateurs traditionnels à représenter fidèlement la réalité. Les classements peuvent en effet être trompeurs. Par exemple, après la crise économique de 2008, la Grèce a baissé dans l’indice TI, alors qu’en réalité, cette crise avait plutôt marqué le début de la lutte contre la corruption endémique au sein du gouvernement.

Pour proposer une analyse plus représentative de la réalité, le CRF propose une analyse sur plusieurs années, qui prend en compte trois paramètres principaux.

D’abord, il dresse un tableau évolutif à partir des données de l’Index d’intégrité publique (IPI), un outil développé par l’ERCAS classant les pays selon six composantes : la lourdeur administrative, l’ouverture commerciale, la transparence budgétaire, l’indépendance judiciaire, la liberté de la presse et l’e-citoyenneté (la capacité des citoyens à utiliser internet pour exercer leur responsabilité sociale). Le CRF utilise ces données IPI et mesure leur évolution sur 12 années pour faire émerger des tendances.

Deuxièmement, il intègre à l’analyse des éléments spécifiques au contexte politique du pays. À l’instar de la Grèce, des changements politiques récents comme des élections, une révolution, une crise gouvernementale… peuvent influencer la capacité (ou l’incapacité) d’un pays à maîtriser la corruption.

Dernier paramètre : la revendication d’une meilleure gouvernance par la population. Ce paramètre est mobilisé lorsqu’il faut expliquer une évolution brusque de l’indice d’un pays. Il s’appuie notamment sur les statistiques du Baromètre mondial de la corruption de TI.

Comment utiliser cet outil pour la conformité ?

Par son niveau de détail, le CRF constitue donc un outil d’analyse intéressant pour les spécialistes de la conformité.

Notons toutefois qu’il présente des limites similaires à l’index TI : dans beaucoup de cas, ces indices ne font que confirmer par les chiffres des réalités qui sont déjà de notoriété publique. Une entreprise implantée au Venezuela a-t-elle vraiment besoin de consulter le rang du pays au classement TI (177ème/180) ou IPI (111ème/114), pour savoir que le pays présente un risque de corruption très élevé ? Probablement pas.

En revanche, le CRF peut offrir des informations précieuses pour fonder une cartographie des risques sur des faits tangibles. Un élément essentiel du CRF est le T-index, un indice de transparence qui attribue un score aux pays en fonction du type d’informations ouvertes au public. Plus le nombre d’informations ouvertes au public est important, plus le score du pays est élevé.  L’index prend en compte des types d’informations très variés : détail des dépenses publiques, arrêts judiciaires, registre du commerce…

Selon le secteur d’activité de l’entreprise, il peut donc être utile de vérifier si certaines informations sont rendues publiques. Par exemple, si une entreprise de construction cherche à s’implanter à l’étranger, le responsable de la conformité peut utiliser le CRF pour vérifier si les permis de construire délivrés par le gouvernement sont rendus publics. Si tel est le cas, il trouvera un lien direct renvoyant à la page internet des permis de construire du gouvernement.

Bien sûr, ces recherches ne dispensent pas d’aller plus loin pour évaluer les risques spécifiques aux activités de l’entreprise. Mais au total, cet indice peut fournir un bon point de départ pour aider les professionnels de la conformité à comprendre les grandes tendances d’un pays et adapter la stratégie de l’entreprise.

Sources :

Corruptionrisk.org : Corruption Risk Forecast

Corruptionrisk.org : Méthodologie de l’index

Transparency International : Corruption Perception Index

Corruptionrisk.org : Indice d’Intégrité Publique

Transparency International : Global Corruption Barometer

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Brune Lange

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