Le 12 mai 2021, l’équipementier suédois Ericsson a annoncé le versement de 80 millions d’euros en dommages-intérêts au finlandais Nokia, afin de régler un litige dans le cadre des poursuites pour corruption à l’encontre de l’entreprise suédoise. Ces dernières avaient été engagées par la justice américaine en vertu du Foreign Corrupt Practices Act, la loi extraterritoriale américaine punissant la corruption à l’étranger, dans cinq pays.
Ce règlement s’inscrit dans la continuité d’un accord passé avec le Département américain de la Justice et la Securities and Exchange Commission (SEC) : en 2019, Ericsson avait été condamné à payer plus d’un milliard de dollars pour régler des poursuites liées à des violations du FCPA.
Les faits en cause se sont produits entre 2010 et 2016, dans au moins cinq pays : en Chine, au Vietnam, en Indonésie, au Koweït et à Djibouti. Selon l’enquête américaine, Ericsson avait déployé un stratagème pour effectuer et enregistrer des dizaines de millions de dollars de paiements irréguliers.
Une accusation confirmée par Ericsson : l’entreprise suédoise a reconnu avoir versé des pots de vin, falsifié des dossiers et livres comptables, et ne pas avoir mis en œuvre de contrôles comptables internes « raisonnables ». Pour masquer ces opérations, l’entreprise avait recours à des faux contrats et à de fausses factures, et les paiements versés aux intermédiaires n’étaient pas correctement répertoriés dans les livres et registres de la société.
Pendant cette période, Ericsson a fait appel à des agents et consultants tiers pour verser des pots de vin à des responsables gouvernementaux et pour gérer des caisses noires. L’entreprise a par exemple versé $2,1 millions à des hauts fonctionnaires de Djibouti afin d’obtenir un contrat d’une valeur de 20,3 millions d’€ avec une entreprise publique des télécom. La filiale locale avait conclu un faux contrat avec une entreprise de conseil, et dissimulé les pots-de-vin en émettant des fausses factures. Un projet de due diligence avait même été rédigé dans le cadre de cette opération, mais le rapport omettait la relation conjugale qui existait entre le dirigeant de la société de conseil et un haut fonctionnaire du gouvernement.
Au Vietnam, les filiales d’Ericsson ont versé $4,8 millions à une société de conseil afin de créer des caisses noires associées aux clients locaux d’Ericsson. L’argent déposé sur ces comptes était ensuite versé à des tiers jugés comme « à risque » par les processus de due diligence d’Ericsson. Là encore, la compagnie a sciemment enregistré de façon inadaptée ces transactions dans ses livres comptables. Un schéma identique s’est également reproduit en Indonésie, avec au moins $45 millions de paiements versés via des caisses noires.
Après six ans de coopération avec la SEC, Ericsson a donc conclu un accord de poursuites différées (DPA) en 2019. Au-delà de l’amende et des indemnisations subséquentes, Ericsson a accepté d’être surveillé par un contrôleur de la conformité indépendant. Pendant trois ans, ce contrôleur sera chargé d’évaluer la conformité d’Ericsson, d’observer les progrès dans son dispositif anticorruption et de formuler des pistes d’amélioration. L’entreprise communique d’ores et déjà sur les efforts apportés : elle déclare notamment avoir renforcé ses processus de due diligence des tiers, d’identification des transactions à haut risque, et de la formation des employés.
Mais pour Ericsson, le règlement américain ne signifiait pas la clôture de l’affaire. Et c’est peut-être le fin mot de l’affaire : ce nouveau cas avec Nokia montre en effet que les retombées d’un scandale de corruption sont potentiellement infinies. En sécurisant ses contrats par des moyens illégaux, Ericsson a en effet aussi privé ses concurrents directs de certaines opportunités commerciales.
Peu d’informations sont disponibles sur le calcul qui a permis de définir une indemnisation de 80 millions d’€. Dans son communiqué, Ericsson précise que les termes de ce règlement sont confidentiels : l’entreprise se contente de déclarer que cette indemnisation reflète « l’incertitude, le risque, les dépenses et l’impact commercial éventuel », liés à un litige potentiellement long et complexe». Selon toute apparence, Ericsson a donc préféré reconnaître le possible préjudice subi par son concurrent pour mettre sans attendre un point final à cette affaire avec Nokia.
En revanche, l’entreprise, qui revendique désormais une posture anticorruption irréprochable, a communiqué certaines informations sur l’impact à venir de cette indemnisation dans ses comptes : selon ses estimations, son résultat opérationnel (EBIT) du deuxième trimestre sera affecté à hauteur de 80 millions d’€, et ses flux de trésorerie de 26 millions d’€.
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