6,4 milliards de dollars : l’année 2020 marque un nouveau record en termes de sanctions financières infligées par les États-Unis à des entreprises en vertu du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA). C’est plus du double du montant cumulé en 2019 qui constituait elle-même un nouveau record avec $2,9 milliards. L’affaire Goldman Sachs (3,3 milliards d’amende) y a largement contribué mais, même sans cela, le record aurait été battu ce qui dénote une tendance à la hausse plus que solide.
Comme en 2019, les secteurs finance, pétrole, santé et construction/ingénierie figurent malheureusement encore en haut du classement . En revanche, les télécom sont absentes alors qu’elles avaient écopé des deux plus grosses sanctions l’année dernière. L’industrie agro-alimentaire est, elle, plus souvent mise en cause en 2020.
Sur le plan géographique, notons que 7 entreprises sur 12 sont américaines parmi les firmes sanctionnées. Excepté le « cas » Goldman Sachs, elles occupent principalement la troisième partie du classement avec des amendes inférieures à 25 millions de dollars. Les 5 firmes non-américaines sanctionnées ont été plus lourdement punies. Nous vous présentons ci-après le détail de ce palmarès d’un genre bien particulier.
C’est la sanction la plus élevée dans l’histoire du FCPA. Avec cette résolution passée en octobre, le géant Goldman Sachs est également devenu la première entreprise américaine à figurer dans le TOP 10 des sanctions du FCPA. En cause, son rôle dans le pillage du fond souverain malaisien 1MDB : des milliards de dollars avaient été détournés au profit des gestionnaires du fond, d’hommes d’affaires et d’hommes politiques malaisiens et émiratis.
Ciblé pour des faits de corruption dans le cadre de marchés conclus depuis 2008, Airbus doit en réalité payer 3,6 milliards d’euros répartis entre les autorités française, anglaise et américaine. Cette affaire signe aussi le premier acte d’une réponse française à l’ingérence extraterritoriale américaine : en collaborant également avec la justice française, l’avionneur a évité des poursuites pénales qui auraient pu lui bloquer l’accès aux marchés américain et européen.
Entre 2012 et 2016, le géant pharmaceutique et certains de ses partenaires locaux auraient versé des paiements irréguliers à des prestataires de soin de santé en Grèce, au Vietnam et en Corée du Sud afin qu’ils utilisent des produits de marque Novartis. En Grèce, par exemple, l’entreprise a distribué à des prestataires considérés comme des « leaders d’opinion clés » plus de $5 000 lors d’événements – et à leur tour, ces prestataires ont prescrit des médicaments Novartis.
La maison mère du géant de l’agro-alimentaire brésilien JBS aurait payé des millions de dollars en pots-de-vin à plusieurs responsables gouvernementaux brésiliens entre 2005 et 2017, afin d’obtenir divers avantages dans la conduite de ses affaires. Les paiements ont été effectués depuis des comptes bancaires basés aux États-Unis, afin d’acheter de l’immobilier sur le sol américain au profit des fonctionnaires corrompus.
La filiale américaine de l’énergéticien Suisse Vitol a été accusée de corrompre des fonctionnaires au Brésil, en Équateur et au Mexique. Entre 2005 et 2014, plus de $8 millions auraient été versés en pots-de-vin à quatre fonctionnaires de la compagnie pétrolière nationale brésilienne Petrobras, en échange d’informations sur des concurrents et sur des prix confidentiels de Petrobras. Par ailleurs, Vitol a admis avoir corrompu des fonctionnaires en Equateur et au Mexique pour obtenir et conserver des contrats d’achat et de vente de produits pétroliers.
L’entreprise américaine spécialisée dans la vente de compléments alimentaires a été poursuivie pour la corruption d’officiels chinois. Entre 2006 et 2016, l’ancien directeur de la filiale chinoise et sa responsable des affaires extérieure auraient distribué près de $25 millions en pots-de-vin, cadeaux et voyages. Cela a permis à l’entreprise d’obtenir des licences de distribution, de contourner des processus de contrôle locaux et à recueillir un traitement positif par les médias officiels.
Saipem, une filiale du groupe pétrolier italien, a versé 215 millions de dollars à des responsables algériens via des sociétés écrans offshore, pour obtenir des contrats auprès de Sonatrach, la compagnie pétrolière publique algérienne. Ces opérations ont été facilitées par le directeur financier de Saipem, Alessandro Bernini : ce dernier a été reconnu coupable et condamné à quatre ans de prison par la justice italienne.
La filiale mexicaine de l’entreprise américaine aurait distribué $4,1 millions à des responsables mexicains pour conclure des affaires et en conserver. WAC Mexico aurait déguisé ces paiements dans ses comptes, sous la forme de « soutiens », de « bourses » ou encore de « royalties ».
Le géant des spiritueux aurait soudoyé des fonctionnaires indiens de 2006 à 2012 afin d’obtenir des contrats avec des magasins contrôlés par le gouvernement. Présentés comme des commissions, ces paiements auraient généralement transité par des partenaires locaux. Plusieurs dirigeants du groupe américain ont été mis en cause.
Ce fournisseur d’asphalte basé en Floride a reconnu avoir payé des millions de dollars en pots-de-vin à des fonctionnaires au Brésil, au Venezuela et en Équateur. Entre 2010 et 2018, la société a obtenu en retour des contrats d’achat et de vente à des sociétés pétrolières d’État.
La multinationale agroalimentaire aurait versé au moins $90 000 à un fonctionnaire indien pour obtenir certaines autorisations et demandes de licences, et déguisé ces paiements dans les registres comptables de sa filiale indienne Cadbury India.
C’est la plus petite sanction de l’année : après le rachat d’une entreprise chinoise renommée Cardinal China, l’américain Cardinal Health a reçu un rapport interne l’informant que les employés de Cardinal China utilisaient un compte marketing pour « corrompre les employés du Centre chinois de contrôle des maladies ». Certaines dépenses « marketing » étaient en réalité versées à des professionnels de la santé ou des employés d’entités publiques de vente au détail.
Chaque année désormais, les sanctions financières liées au FCPA s’avèrent plus élevées que la précédente. Il est donc fort probable que 2021 n’échappe pas à cette tendance devenue quasiment une règle. L’élection de Joe Biden à la présidence des États-Unis le laisse même présager : le nouveau président et son entourage ont présenté la lutte contre la corruption internationale comme une priorité.
Dans tous les cas, puisque même les liens les plus indirects avec le territoire américain peuvent constituer un motif de poursuite (utilisation du dollar dans les transactions, stockage de données sur des serveurs américains, e-mail transitant par les Etats-Unis…), aucune entreprise sur la planète ne peut aujourd’hui se considérer totalement à l’abri de la justice américaine et de sa puissante dimension extra-territoriale.
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