Le groupe pharmaceutique suisse Novartis a été condamné en moins d’une semaine à deux séries de pénalités successives, pour un montant total de $977 millions. La justice américaine accuse notamment l’entreprise et certaines de ses filiales d’avoir mis en place des réseaux de corruption en Grèce, au Vietnam et aux États-Unis.
Le DOJ (Department of Justice) a annoncé les 25/06/2020 et 01/07/2020 avoir conclu deux accords distincts avec Novartis concernant des accusations de violation du FCPA (Foreign Corrupt Practices Act) et du FCA (False Claims Act).
La 1ère série de pénalités concerne les violations du FCPA, loi fédérale américaine visant à lutter contre la corruption d’agents publics à l’étranger. L’entité principale du groupe, Novartis AG, a été condamné à verser $112 millions à la SEC. Sa filiale grecque, Novartis Hellas et son ancienne filiale Alcon Pte Ltd, qui fait désormais partie du groupe Alcon Inc, ont de leur côté été condamnées à verser $233 millions au DOJ. Les faits concernent la mise en place de réseaux de corruption visant à faire augmenter les prescriptions de médicament en Grèce et au Vietnam.
Novartis Hellas est ainsi accusée d’avoir rémunéré des professionnels de santé d’hôpitaux et cliniques publics qui choisissaient de prescrire en priorité des produits Novartis. Dans un premier temps, entre 2009 et 2011 le groupe organisait des études épidémiologiques dont l’unique but était de servir de façade au versement de pots-de-vin. Par la suite, entre 2012 et 2015, le système consistait à inviter les médecins concernés à participer à des colloques ou conférences à travers le monde, en échange de rémunération. Plus les professionnels en question prescrivaient des produits Novartis, plus ils étaient conviés à participer à ces évènements.
Le 26/06/2020, à la suite de l’annonce du DOJ, l’état grec a affirmé qu’il demanderait une compensation financière au groupe suisse. Athènes estime que l’affaire a coûté au pays près de €3 milliards. Celle-ci avait été largement couverte dans les médias nationaux, plusieurs responsables publics ayant été accusés d’avoir pris part au système.
Au Viet-Nam, la filiale Alcon Pte Ltd, spécialisée dans les produits ophtalmologiques, est de son côté accusée d’avoir eu recours à un distributeur tiers afin de rémunérer des médecins rattachés à des hôpitaux publics du pays. Le tiers en question était rémunéré par Alcon Pte Ltd pour des prestations de conseil plus ou moins fictives, il redistribuait ensuite une partie de cet argent à des réseaux de médecins prescrivant les produits de l’entreprise.
Le DOJ et la SEC ont souligné que les deux filiales avaient volontairement falsifié des comptes et des documents afin de cacher leurs pratiques auprès de l’entité mère Novartis AG.
Par ailleurs, le 01/07/2020, Novartis Pharmaceuticals Corporation, la filiale américaine du groupe, est parvenue à un accord avec le DOJ pour le règlement de $642 millions de pénalités suite à la plainte d’un lanceur d’alerte, ex-représentant commercial du groupe de son état. Celui-ci avait déposé une plainte en 2011 en vertu du FCA, loi fédérale encadrant les pratiques des entités passant des contrats avec l’état.
Les faits en cause concernent en premier lieu la mise en place d’un réseau similaire à celui développé en Grèce. En échange d’une augmentation des prescriptions, le groupe versait des pots-de vins à des médecins en les invitant à participer contre rémunération à des colloques ou conférences.
En second lieu, Novartis Phamaceuticals Corporation est accusée d’avoir fraudé auprès du système Medicare, l’assurance maladie fédérale, en prenant en charge l’équivalent américain du « tiers payant ». A travers trois fondations caritatives, l’entreprise remboursait les sommes à régler par les patients utilisant certains de ses produits. Une pratique qui permettait de favoriser le choix de produits Novartis par les médecins et par les patients, au détriment d’autres fabricants.
Suite à ces condamnations, le groupe a établi un CIA (Corporate Integrity Agreement) avec le OIGHHS (Health and Human Services’ Office of Inspector General). Ce type d’accord est spécifique aux entreprises opérant dans le domaine de la santé, et concerne notamment les questions relatives à l’éthique et à la corruption. En l’espèce, il prévoit notamment une réduction significative des recours aux prestataires externes lors des conférences, ainsi qu’un plafonnement de leurs rémunérations. Il impose également à plusieurs dirigeants du conseil exécutif de passer des certifications de conformité. Le constat majeur qui ressort de ces condamnations successives est celui de la difficulté pour un grand groupe international de faire appliquer sa politique de compliance à l’ensemble de ses entités. En effet, Novartis semble ici avoir été victime des agissements de certaines de ses filiales.
Outre les questions liées au management des cadres, se trouve ici posée la question du contrôle interne des pratiques. La réalisation d’audits réguliers des usages de conformité ou encore la mise en place d’enquêtes de contrôle sur les agissements de certains cadres dirigeants pourrait, dans de tels cas, permettre de lutter plus efficacement pour éviter le développement des pratiques illégales et non éthiques.
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