Anticorruption

Corruption : une CJIP à 2,6 millions d’€ d’amende pour une entreprise française

Siège de la Sonatrach – Algérie

Le Parquet national financier (PNF) du tribunal de Paris a condamné, mardi 10 décembre 2019, la société française d’ingénierie Egis Avia, basée à Guyancourt (78), à verser une amende de 2,6 millions d’euros. Egis Avia était poursuivie pour des faits de « corruption d’agent public étranger » dans le cadre d’un marché de 4 millions d’euros conclu avec Sonatrach en 2008 pour la modernisation et l’équipement de l’aérogare d’Oran en Algérie.

Cette amende, validée lors d’une audience au tribunal de Paris, a été négociée avec le parquet national financier (PNF) dans le cadre d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP).

Une procédure déjà utilisée à cinq reprises

« Le montant de l’amende a été défini en toute transparence et de manière contradictoire devant le magistrat instructeur », a insisté lors de l’audience le procureur financier chargé de l’affaire, Jean-Philippe Navarre, en réponse à des critiques fréquentes contre le recours à cette alternative au procès. Pour consulter les détails de l’évaluation du montant de l’amende, cliquez ici.
La CJIP, introduite par la loi Sapin II en 2016, permet à une entreprise poursuivie pour corruption ou blanchiment de fraude fiscale de négocier une amende sans aller au procès ni passer par une procédure de « plaider coupable ». Elle a été utilisée à cinq reprises depuis sa mise en œuvre, la première fois en 2017 avec la banque HSBC.

Au cœur des soupçons, plusieurs versements en espèces litigieux

Dans le cas d’Egis Avia, une enquête avait été ouverte en 2011 après des contrôles effectués sur des pièces comptables de cette entreprise, une filiale du groupe Egis spécialisé dans les services aux groupes aéroportuaires.
Les principaux éléments à charges sont les suivants :

  • un contrat de 390 640 euros signé avec une société de conseil domiciliée dans les Iles Vierges Britanniques et ayant pour adresse postale une Société Anonyme domiciliée à Genève. Les honoraires perçus par la société de conseil, sous forme de 7 factures portant sur des prestations imprécises émises entre avril 2009 et septembre 2011, ont été versés sur un compte bancaire suisse ayant pour titulaire la SA suisse.
  • Des courriers électroniques échangés entre le Directeur Général Adjoint d’Egis Avia et la Société Anonyme suisse. Ces derniers confirment l’intervention d’un sous-traitant faisant office d’intermédiaire entre Egis Avia et Sonatrach. L’ayant droit économique de la société de conseil basée dans les Iles Vierges Britanniques devait percevoir 10% du montant des prestations d’Egis Avia en cas de conclusion du contrat avec Sonatrach. Aucune trace écrite du travail de la société de conseil n’a été retrouvée.
  • Plusieurs retraits en espèces et des versements litigieux ont été repérés par les enquêteurs, dont un paiement de 12 000 € destiné à Amine Zerhouni, fils d’un ancien ministre de l’Intérieur algérien, Noureddine Yazid Zerhouni.

Au terme des investigations menées par la Brigade de Répression de la Délinquance Économique de la préfecture de Paris (BRDE), il apparait clairement que les flux financiers en cause ont pu être utilisés pour rémunérer frauduleusement des agents publics algériens susceptibles d’influencer l’attribution du contrat à la société Egis Avia.
Cette dernière, représentée par son actuel représentant légal et qui ne l’était pas à l’époque des faits incriminés, a pris connaissance du dossier. Elle a ainsi pu constater et reconnaître la réalité de ces faits remontant à une dizaine d’années, époque à laquelle les procédures de contrôle interne sur le plan conformité étaient moins rigoureuses qu’aujourd’hui.

Lire aussi : La CJIP de l’affaire Egis Avia en version intégrale

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Jean-Charles Falloux

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